Les repas de famille de Bruno de Keyzer

Par Nicolas Beauchamp et Philippe Gilles

La Lettre AFC n°300

Nicolas Beauchamp, chef opérateur, et Philippe Gilles, chef électricien, ont tous les deux travaillé avec Bruno de Keyzer. Ils témoignent ici des liens d’amitié qu’ils avaient noués avec ce directeur de la photographie dont ils soulignent, entre autres, avoir fait partie de la famille.

Bruno de Keyzer, un père spirituel
11 août 2018. Il y a un an, jour pour jour, je souhaitais à Bruno un bon anniversaire. Et j’ajoutais : « Mais, dis-moi, l’année prochaine, c’est pas un peu une année spéciale ? » Il m’avait répondu en rigolant : "Houlà oui, je ne répondrai pas au téléphone ! »
Tristement aujourd’hui, le 11 août 2019, il aurait fêté ses 70 ans, et il ne répond plus au téléphone...

Travailler avec Bruno, c’était appartenir à sa famille. D’ailleurs tous ses films se finissaient toujours par un bon repas. Cuisiné par ses soins, avec chaleur et convivialité, avec la force de tout son être et sa puissance.

J’ai passé douze années auprès de lui, de second assistant à opérateur deuxième équipe, et ce qui m’a toujours fasciné chez Bruno, c’est sa capacité à rendre simples des lumières d’apparence si compliquées. J’ai toujours pensé qu’une des marques des grands opérateurs est leur capacité à prendre des risques et Bruno n’avait peur de rien. Il n’y avait pas de "patte" de Keyzer mais cette capacité à toujours tout réinventer au plus proche du réalisateur et du scénario. Sa marque de fabrique, c’était de ne pas en avoir, c’était sa liberté. Celle de ne jamais faire le même film, avec toujours son humanité débordante. Il débordait d’amour et parfois de colère. Bruno était entier.

Sur chacun de mes projets, je pensais à lui, à ce qu’il aurait fait. Son départ n’y changera rien. Il sera toujours avec moi comme le père spirituel qu’il a été pour tous ses assistants.
Nicolas Beauchamp

Bruno de Keyzer, amitié, fidélité et tendresse
Faire partie de son cercle n’était pas simple mais une fois rentrés, nous avions une amitié sans faille et d’une grande fidélité.
Parfois il m’engueulait tendrement quand je l’appelais pour prendre de ses nouvelles, comme un père que l’on délaisse trop souvent, en me proposant de venir chez lui à Villerville pour manger et me faire un repas comme il en avait le secret.
Nous parlions alors de travail, de cinéma - Du Cinéma - et bien sûr de mes projets, des siens, de la Normandie que nous avions en commun.

Ce qui m’a toujours marqué chez Bruno, c’est sa façon de voir le monde, de le raconter et de le retransmettre à travers ses lumières.
Ce qui résume le mieux le travail de Bruno, c’est l’instinct.
Une facilité déconcertante en toutes situations et une confiance en cet instinct.
Une fois tout mis en place, pas question de retoucher quoi que ce soit, place à la mise en scène, aux acteurs, et il était alors aux premières loges pour regarder le film se dérouler sous ses yeux.

Notre collaboration va me manquer, ainsi que tes coups de gueule et surtout ta tendresse débordante.
Philippe Gilles