Myriam Touzé s’en est allée
Née le 30 mai 1954, après une maîtrise d’Histoire de l’art - Cinéma expérimental, Myriam Touzé étudie le cinéma à l’Idhec (promotion 1980-1983). Au cours de ses études, en 1982, elle effectue un stage aux costumes sur Douce enquête sur le violence, de Gérard Guérin, photographié par François Catonné, AFC. Décelant chez elle une forte envie de cinéma, le directeur de la photographie la reprend sous son aile bienveillante et formatrice en tant que stagiaire image sur le film de Gérard Mordillat, Vive la sociale, en 1983. Elle le suivra comme seconde assistante opératrice sur Sac de nœuds, de Josiane Balasko, en 1985, puis assistera, la même année et à ce poste, Jean-Yves Escoffier sur 3 hommes et un couffin, de Coline Serreau, puis sur Mauvais sang, de Leos Carax, l’année suivante.
En 1988, Myriam Touzé croise le chemin du directeur de la photographie Philippe Rousselot, AFC, ASC, sur le film de Jean-Jacques Annaud, L’Ours. C’est Arnaud du Boisbéranger qui lui parle d’elle pour le remplacer alors qu’il devient cadreur et finalement directeur de la photo de la deuxième équipe. Alors assistante au point sur l’une des trois caméras, ce film est l’occasion de leur première collaboration sur un long métrage. Par la suite, Myriam travaillera avec Philippe sur tous les films et publicités qu’il tourne en France. Tels que, pour ne citer que quatre d’entre eux, Les Liaisons dangereuses, de Stephen Frears, en 1988, Trop belle pour toi, de Bertrand Blier, en 1989, Henry et June, de Philip Kaufman, en 1990, et La Reine Margot, de Patrice Chéreau, en 1994.
Directrice de la photographie et réalisatrice
Parallèlement, elle réalise un court métrage, A bon chat, bon rat, en 1983, et signe les images de deux courts métrages, Songe creux, de Josiane Maisse, en 1984, et Bien le bonjour, Mr. Georges !, de Franck Salomé, en 1996. L’année suivante, elle réalise pour la télévision la fiction unitaire Nini, dont elle a écrit le scénario et dont la mise en images est signée Laurent Barès.
En 2005, Myriam réalise le making of de Combien tu m’aimes ?, de Bertrand Blier, en 2007, celui d’Agathe Cléry, d’Étienne Chatiliez, et, en 2009, celui du Bruit des glaçons, du même Bertrand Blier. Par ailleurs, au cours du tournage de Combien tu m’aimes ?, elle réalise et met en image Blier chic et choc, un documentaire sur le réalisateur*.
En 2014, elle réalise deux formats courts de 6 minutes pour la série TV "Les Fables de La Fontaine", Le Coche et la Mouche et La Cigale et la Fourmi, photographiés par Jean-François Robin, AFC.
Signalons enfin que Myriam Touzé a été lauréate du Prix Idhec du scénario, en 1983, et vice-présidente de l’Association des réalisateurs de making of. Aimant pratiquer le golf, elle s’était également mise à faire de la peinture, les dernières années de sa vie.
* Voir en bas de page des extraits de ses making of et de son documentaire Blier chic et choc.
Témoignages
L’œuvre unique de Myriam Touzé, par Laurent Barès, directeur de la photographie
Myriam nous épatait. Une réputation d’infaillibilité au point et une humilité à toute épreuve. Elle avait un panthéon en guise de CV : Blier, Frears, Rousselot, Carax, Escoffier, Kaufman, Chéreau. La carrière d’opératrice lui semblait acquise.
Mais parce qu’il lui arrivait d’être imprévisible, Myriam se tourna vers la mise en scène. Ce qu’elle avait toujours voulu faire. Et ce fut Nini. Un téléfilm, comme on disait alors, produit par Catherine Dussart. À ma grande surprise, Myriam m’a demandé d’éclairer son film. Une surprise au regard des opérateurs prestigieux avec lesquels elle collaborait régulièrement. Je débutais. Quasiment. Son amitié et sa confiance jamais démenties furent mon viatique tout au long du tournage. Nini est l’histoire d’une jeune provinciale qui peu à peu s’émancipe de son milieu familial. Il nous plonge aux prémices des seventies. Un récit teinté d’auto-biographie, même s’il n’est jamais "auteuriste". Trop de pudeur, trop de modestie pour s’aventurer dans ces dédales-là. Ce fut un bonheur tranquille de partager avec Myriam, le temps d’un été, cette petite odyssée temporelle, ponctuée de ses fous rires, de son don d’imitation, de son amour des comédiens et de son pragmatisme. Myriam avait la générosité et la détermination de ses personnages.
Le film a bien marché. De bonnes audiences malgré un match de foot sur une chaîne concurrente. Malheureusement Nini est une œuvre unique. Je ne saurai jamais pourquoi. Les années passant, on voyait bien que Myriam souffrait ne pas avoir pu continuer son œuvre. Le monde est injuste. Et sa mort prématurée en est une preuve supplémentaire.
Nombreux sommes-nous à t’avoir aimée, par Sylvain Madigan, responsable du département Réalisation à l’Eicar
Des yeux qui brillent en plein jour… Des larmes qui coulent sans raison…
Petit bout… bout de femme qui vibre, qui aime, qui donne, qui observe malicieuse et gaie…
Des épreuves, des drames… Avoir le cuir épais… Serrer les dents et repartir…
Donner le change…
Myriam, tu as quelque chose de définitif :
La force, la générosité, la bonté… Tes convictions, tes envies…
Jamais dupe… Nous sommes nombreux à t’avoir aimée.
Souvenirs, par Jean-François Robin, AFC
La même semaine disparaissent deux femmes d’image, l’une représentait Fujifilm et l’autre œuvra longtemps comme assistante caméra puis comme réalisatrice. Annick Mullatier et Myriam Touzé avaient toutes les deux une vitalité réconfortante.
Annick, qui nous a si souvent aidés, ne se cantonnait pas à vendre sa pellicule mais elle participait, elle aidait, elle conseillait et, par exemple, chaque fois que j’ai sorti un livre sur le cinéma, elle a m’a aidé en soutenant financièrement l’éditeur à y inclure de images. Son sourire et sa générosité éclairaient le monde un peu ingrat du commerce auquel elle ne se cantonnait heureusement pas. Ses visites sur les tournages, les manifestations qu’elle organisait avec son comparse Gérald Fiévet ont rayonné sur les tournages français des années 1990 et 2000 en nous laissant de magnifiques souvenirs.
Myriam fut une assistante zélée pendant quinze ans avant de devenir scénariste, et réalisatrice, j’avais tourné avec elle une petite série de "Fables de la fontaine" où elle se montra passionnée et talentueuse. Puis elle intégra l’enseignement du scénario et de la réalisation à des étudiants qui ne rataient jamais un de ses cours.
Ces deux femmes disparaissent la même semaine et c’est une vraie perte pour le monde de l’image. Qu’elles reposent en paix !
Trente années d’amitié, par Philippe Rousselot, AFC, ASC
J’ai cette photo de Myriam sur le tournage des Liaisons dangereuses, mais alors qu’elle vient de disparaître, j’ai en tête une autre photo (que je garde pour moi), prise sur la plage d’Erquy il y a un an, en Bretagne où elle était venue se reposer entre deux chimiothérapies. Six films ensemble, de 1987 à 1994, mais surtout plus de trente années d’amitié, de sa part une amitié complice et généreuse, dont elle avait le rare talent.
Dans le portfolio ci-dessous, des images provenant, sauf indication contraire, des archives Touzé - Merci à Isabelle Fauquet-Touzé, sœur de Myriam !
Extraits du making of de Combien tu m’aimes ?
Extrait du making of du Bruit des glaçons
Extraits du documentaire Blier chic, Blier choc