Nous trois ou rien

J’ai rencontré Kheiron début de l’année 2014, j’avais pu lire son scénario et nous nous sommes croisé dans le bureau de Simon Istolainen chez Adama Pictures. L’aventure m’a tout de suite emballé, le script sur la base de la vie des parents de K était un mélange d’émotions très fortes qui donnait immédiatement envie de voir ça à l’écran.
Kheiron sur le tournage de "Nous trois ou rien" - Photo Jean-François Hensgens
Kheiron sur le tournage de "Nous trois ou rien"
Photo Jean-François Hensgens

On a assez vite parlé de refs, telle que Argo mais aussi des séries TV, desquelles nous sommes tous deux très clients. L’enthousiasme et la fraîcheur de K créaient une fluidité très encourageante pour ce projet ambitieux.
J’ai commencé à utiliser la RED Dragon sur le tournage des Chevaliers blancs, de Joachim Lafosse, qui sortira le 20 janvier 2016 et que j’ai tourné juste avant Nous trois ou rien. J’ai été particulièrement séduit par le rendu de la caméra, par ses couleurs et par sa texture, spécialement lorsque je l’utilise à 2 000 ISO avec systématiquement un polarisant (parfois pola 1 stop) pour contrôler les brillances. J’ai donc continué à travailler en ce sens et j’ai pu, depuis le film de Kheiron, faire trois autres longs métrages avec la RED sur le même sillon.
Pour chaque film, je teste différentes séries d’objectifs sphériques ou anamorphiques afin de définir une image plus spécifique à chaque projet, la série G Anamorphique pour Kheiron et Des nouvelles de la planète Mars, de Dominik Mol (sortie le 9 mars 2016), la série Kowa anamorphique et Christal express pour Antigang, de Benjamin Rocher (avec RVZ, l’irremplaçable Samuel Renollet et son team), série Master Anamorphique pour L’Economie du couple, de Joachim Lafosse (en court de postprod’) et je commence dans quelques jours un film en sphérique avec la série Leica Summilux-C.

Dans mon approche, cette étape est fondamentale et je remercie grandement les loueurs, spécialement dans le cas présent Panavision Alga, qui a joué le jeu des essais avec moi et mon assistante Mathilde Cathelin, ça m’a permit ainsi de trouver le look que je cherchais pour N3oR. Olivier Affre, avec son équipe, est particulièrement à l’écoute et est un vrai partenaire dans ce processus d’élaboration de l’esthétique d’un film.
Le format Scope s’est imposé d’emblée pour rendre le côté épique du film et la série G Anamorphique utilisée pour ce film m’a apporté la rondeur et le contraste que je recherchais en favorisant l’abstraction naturelle des fonds, ce qui m’aide pour un film d’époque.
Xavier Cholet, "gaffer", et moi avons été accompagnés par Didier Diaz et Transpalux, ça a été, une fois de plus, sans encombre. A la lecture du scénario de Kheiron, j’avais ressenti beaucoup d’émotion en plus de l’humour propre à K, l’enjeu pour moi était de fabriquer une image forte en accord avec la puissance de l’histoire tout en n’alourdissant pas des scènes parfois très dures.

Il fallait aussi prendre en compte le fait que le récit démarre dans un petit village d’Iran dans les années 1950 et se termine en banlieue parisienne dans les années 2000. La collaboration avec Stan Reydellet, chef déco, a été très vite complice et agréable, nous nous sommes immédiatement compris à demi-mots et son travail, particulièrement sur la partie iranienne, que nous avons tournée à Casablanca, a beaucoup apporté au film.
C’est Alain Carsoux, avec CGEV, qui assuré les trucages numériques, partie importante sur la prison, ainsi que sur les incrustes voitures et défenestration.
A travers les couleurs et le contraste, on a cherché, avec Richard Deusy, coloriste, à faire évoluer la photo à travers ces périodes, avec un point culminant dans la traversée de la montagne kurde proche de l’Ektachrome. Ce travail s’est fait chez Eclair à Vanves.
La presque totalité du film est sur dolly, avec, en permanence, de très légers mouvements caméra, mon chef machino pour ce film, Renaud Fidon, est devenu un maître du travelling "à l’arrêt", je voulais remettre du Cinéma dans la narration sans rendre les mouvements trop appuyés.

Enfin, je dois conclure par un mot sur ces acteurs formidables que j’ai eu la chance de filmer, la capacité d’émouvoir de Leila Bekhti est incroyable, j’ai rarement ressenti ça sur un plateau. Les scènes au téléphone avec son père – Gérard Darmon, impeccable –, la scène de l’accouchement, la sortie de prison de Kheiron, etc., m’ont bouleversé, me renvoyant à Emilie Dequenne chantant seule dans sa voiture dans A perdre la raison ou Olivier Gourmet dans La Promesse attaché à une chaîne par son fils, créant ces moments magiques pour lesquels je fais ce métier.

Portfolio

Équipe

Assistante caméra : Mathilde Cathelin
Chef électricien : Xavier Cholet
Chef machiniste : Renaud Fidon

Technique

Matériel caméra : Panavision Alga (RED Dragon, série G Anamorphique)
Matériel électrique : Transpalux
Postproduction : Eclair
Coloriste : Richard Deusy
Trucages numériques : CGEV (Alain Carsoux)