Original numérique, prévisualisation, gestion des rushes : Quel avenir pour la maîtrise des images ?

La Lettre AFC n°207

Le samedi 5 février dernier, se tenait, dans le cadre du Micro Salon 2011, une rencontre ayant pour thème " Original numérique, prévisualisation, gestion des rushes : Quel avenir pour la maîtrise des images ? ". Rencontre présentée par Eric Guichard AFC et modérée par Benjamin B, membre consultant AFC.
Stéphane Azouze (cadreur, opérateur vision/DIT) assistait aux débats et en a fait un résumé, publié sur " cinematographie.info ", et que nous reproduisons ici avec son aimable autorisation.

D’abord quelques remarques :
- Vraiment merci à l’AFC pour cette (trop courte) réunion passionnante de mon point de vue.
C’est bien d’avoir plus de questions à poser à la fin qu’au début, comme le préconisait Benjamin B (le modérateur), mais personnellement je préfèrerais l’inverse.
- Bravo aux intervenants, passionnants eux aussi. On sent vraiment poindre les préoccupations liées au numérique de tous bords, je pense particulièrement aux scriptes et aux monteuses (eurs).

Je vais tenter de résumer ce qui s’est dit par intervenant.
Que ceux-ci m’excusent mille fois par avance, je n’ai pas pris de notes, je fais tout cela de mémoire ! S’ils souhaitent modifier ou ajouter quelque chose, qu’ils se manifestent et je me ferai un plaisir de corriger.

Présentation par Eric Guichard, AFC

Benjamin B. modérateur :
Il fait une rapide introduction des intervenants et des sujets de la discussion : prévisualisation et gestion des rushes.
Puis il propose des éléments de vocabulaire (qui restent à affiner) liés aux rushes numériques : l’original, le clone et la copie.
L’original est le fichier généré directement par la caméra sur le plateau.
Le clone est, comme son nom l’indique, un double sensé être en tout point identique à l’original.
La copie est une version de l’original dégradée ou modifiée, comme un proxy qui peut servir au montage off-line par exemple.
Je pense que nous sommes plusieurs à trouver que si clone et original sont clairs, copie est un mot qui prête rapidement à confusion, la discussion reste ouverte.

Vincent Mathias AFC, directeur de la photo :
Pour sa part il a tourné 5 films en Red sans problème particulier. Concernant la prévisualisation sur le plateau, il utilise un LCD 17 pouces. Il n’utilise pas ce moniteur dans un souci de simuler le rendu final avec des LUTs. C’est pour lui un témoin de cadre au même titre qu’un combo ainsi qu’une éventuelle aide à la mise au point. Il n’a pas déploré de problème de plans flous sur ses films.
Il présente le workflow utilisé sur son dernier film tourné en Red, voici l’image qui nous a été projetée et qui a été dessinée par Benjamin B.

L’original est cloné une première fois sur le disque du plateau (clone 1), ce disque reste dans le camion caméra jusqu’à la fin du tournage. Il est ensuite cloné sur un disque navette (clone 2) qui part au montage. Le contrôle qualité est fait à ce moment, ainsi que la vérification de l’intégrité du clone (checksum). C’est là que le " bon à formater " est donné au plateau pour le formatage de l’original. Ensuite est généré un autre disque navette (clone 4) qui part au laboratoire où est fait un autre contrôle qualité. (pas de clone 3 ?)
Suit un début de discussion sur ce workflow, on remarque en effet fort justement que le labo est en bout de chaîne et ne reçoit que le clone d’un clone.
Vincent insiste sur le fait qu’il faut absolument provoquer une réunion de préproduction où vont se décider les méthodes de gestion des données et de postproduction.
Puis il me semble que l’on aborde la question du contrôle de la qualité et de l’intégrité des clones. Il faut des " yeux " pour le contrôle des rushes, des personnes sensibilisées à l’image d’un point de vue esthétique et technique aussi, qui puissent tirer la sonnette d’alarme quand il le faut et avant qu’il ne soit trop tard.
Ces yeux doivent-ils faire partie du laboratoire ?
De l’équipe de tournage ?
Qu’en est-il pour un tournage éloigné du labo ?
Malheureusement, le modérateur presse le pas et on doit enchaîner.

Jean-Claude Beineix, Continental Média Assurances, Groupe Siaci Saint Honoré :
Point de vue très intéressant sur l’évolution récente des risques liés aux rushes. Où l’on apprend qu’il y a eu très peu (ou pas ?) de soucis sur les films liés à la corruption des fichiers. C’est plutôt dans la gestion de ceux-ci que les problèmes apparaissent (facteur humain donc). Les risques spécifiques au tournage sur pellicule laissent la place à de nouveaux sinistres liés au numérique (perturbations du signal en hélico, fragilité de certaines caméras ou équipements, pertes de données, mauvaises manipulations, etc.).
Je n’ai pas noté les pourcentages donnés ni les anecdotes mais il serait intéressant d’en savoir plus.
Il insiste sur le fait qu’il nous faut maintenant créer de nouvelles " règles de l’art " pour encadrer les nouvelles pratiques liées aux rushes numériques.

Marie-Florence Roncayolo-Salem LSA, scripte :
Là c’est un véritable cri d’alarme qui est lancé : ce n’est pas aux scriptes de gérer les noms de fichiers (ou de clips), et certaines caméras remettraient l’incrémentation à zéro lorsqu’on change la batterie.
Si on peut douter du fait qu’une caméra perde le fil de sa numérotation, il est certain qu’avec le numérique de nouvelles problématiques apparaissent. Le moniteur sur le plateau n’indique pas ce nom de fichier, ce qui complique la tâche des scriptes et les oblige à courir après cette info, c’est ce qu’elle appelle le " clip-clap ", mais ce n’est là je pense que la partie émergée de l’iceberg.
Elle rappelle les fondamentaux du métier : les scriptes font partie de l’équipe mise en scène et doivent le rester, elles ont une vision globale du film, veillent à la continuité et aux éventuelles transgressions du récit, elles ont leurs méthodes et ne souhaitent pas se mettre à gérer la technique des caméras ou à travailler sur un ipad comme cela a été évoqué.

La question des métadonnées est posée :
Comment nommer les fichiers ?
Comment visualiser les métadonnées et quoi en faire ?
Pourquoi les constructeurs ne donnent-ils pas un moyen de gérer facilement cela sur le plateau ?
Comment gérer cela avec la postprod ?

Un débat passionnant commence avec le public, vite avorté car il faut enchaîner.

Pierre Chevrin, AOA, assistant caméra :
Là je suis sincèrement désolé car j’ai un trou de mémoire, je crois me souvenir que Pierre parle d’un document de réflexion sur les changements du métier d’assistant lié au numérique. S’il veut bien se manifester je me ferai un plaisir d’ajouter un résumé de son intervention.
Il insiste aussi sur le fait qu’il faut cesser de demander aux assistants de décharger les rushes le soir après le tournage, faut-il prévoir une chambre d’hôtel pour cela même quand on tourne sur Paris ? (Rires dans la salle). La journée est finie quand la porte du camion se ferme le soir, il n’est pas normal qu’un assistant se retrouve avec cette charge supplémentaire.
Il y a certainement là encore une fois un nouveau métier à créer.

Annie Pierre, LMA, monteuse :
Annie pointe le fait que ce n’est pas au monteur (euse) de faire de l’étalonnage d’écrans. Elle pose le problème de la visualisation d’une image correcte pendant l’étape du montage pour le réalisateur qui peut à tort se familiariser avec une image qui ne reflète pas l’intention du directeur photo.
Elle a ajouté qu’il était important de dérusher en vitesse normale, non pas en accéléré comme cela se pratique parfois, car c’est le seul moyen de déceler certains problèmes sur l’image.
(Si elle souhaite elle aussi ajouter son propre résumé qu’elle n’hésite pas).

Mais le temps presse, on enchaîne, on enchaîne…

Philippe Ros, AFC, directeur de la photo, membre du comité technique de la fédération Imago :
Brillant et ultra rapide exposé de Philippe avec de belles diapos sur les flux de fabrication (pardon, les workflows) :
- Ne pas confondre contrôle qualité (intégrité du clone, le contenant) et contrôle laboratoire (le contenu : perche dans le champ, flous, surex,…).
- Réfléchir à une normalisation de la gestion des données ainsi qu’aux nouveaux métiers qui devraient en découler.
- Les ingénieurs de la vision seront moins indispensables qu’auparavant sur le plateau face aux nouvelles caméras (Alexa, Penelope,…), mais des " yeux " seront indispensables en postproduction pour le contrôle des rushes.
- Le laboratoire et le coloriste sont les clés de voûte de la chaîne de postproduction avec le directeur photo.
- De l’importance des LUT de prévisualisation sur le plateau mais aussi au montage et à toutes les étapes de fabrication du film.
- Il s’agit de ne pas oublier dans tout cela que le métier de directeur photo doit rester la création artistique.

J’en oublie, si Philippe veut m’envoyer un résumé… On aurait là aussi aimé avoir plus de temps.

Ma conclusion :
Benjamin B. a réussi son pari : j’en suis sorti assez enthousiaste mais avec beaucoup plus de questions en tête que de réponses, cette réunion était bien trop courte.

Il était passionnant de voir à quel point tous convergent vers le même constat : il va bien falloir à un moment donné réfléchir à ces nouveaux métiers, à ces nouvelles méthodes, à ces " yeux " aussi. Les possibilités sont immenses, il y a du boulot…

On en reparle quand ? Le débat se prolonge sur le site Internet www.cinematographie.info.