Paul était un homme bon

Par Jean-Paul Toraille, assistant de Paul Bonis

La Lettre AFC n°256

Paul Bonis était issu d’une modeste et nombreuse famille de Haute-Loire. Son père, résistant, disparait très tôt. Paul est placé dans une institution religieuse, un des frères remarque les capacités de Paul pour les mathématiques et l’oriente vers Vaugirard. C’est le début d’une aventure, aventure humaine, artistique et technique.

Dès sa sortie de Vaugirard, Paul intègre l’équipe de Claude Chabrol (Jean Rabier chef opérateur, Claude Zidi cadreur). Il est 1er assistant opérateur et "chargé des extras en cuisine" sur de nombreux films ; comme Claude Chabrol, il aimait « bien manger, boire » et puis filmer…
Je me souviens d’une anecdote que Paul racontait à propos d’un tournage de Chabrol ; je ne me souviens pas du titre du film, Paul est 1er assistant opérateur, en charge de faire le point et d’afficher le diaphragme choisi par le chef opérateur. C’est un travelling compliqué, assez long, sur un pont. La première prise se termine au « Coupez ! », Paul est confus, il a oublié d’afficher le diaphragme, le metteur en scène est prévenu, on recommence. Deuxième prise, au « Coupez ! », Paul encore un peu plus troublé a oublié une nouvelle fois d’afficher le diaphragme. Troisième prise, au « Coupez ! », Paul fond en larmes, il a encore oublié. Paul raconte qu’à ce moment-là, Chabrol vient vers lui et lui dit : « Pourquoi pleures-tu Paul ? » – « Claude, j’ai encore oublié le diaphragme… » Et la réponse fut : « Tu sais Paul, il n’y a pas un plan de mon film qui mérite tes larmes… »
L’apprentissage du métier ne manquait pas d’élégance…

Claude Zidi (cadreur de Chabrol) réalise son premier film, Les Bidasses en folie, en 1971, et demande à Paul d’en assurer la lumière. Une nouvelle coopération commence.
J’avais rencontré Paul sur un film de Pierre Zucca, Vincent mit l’âne dans un pré, nous étions devenus amis. Paul me propose de travailler avec lui sur un film que va réaliser Claude Zidi, Les sous-doués passent leur bac. Claude Zidi y était producteur, réalisateur, coscénariste et cadreur… Et moi, petit débutant, je travaillais là sur mon premier long métrage au point. Paul était un bon chef.

Paul Bonis, en 1976, dans un couloir de chambres de bonne sur le tournage d'un court métrage - Photo Jean Ber - Tous droits réservés
Paul Bonis, en 1976, dans un couloir de chambres de bonne sur le tournage d’un court métrage
Photo Jean Ber - Tous droits réservés

Et puis les chemins se sont à nouveau croisés. Claude Zidi travaillait avec des stars, Paul n’était pas en tête de liste…
Il éclaire les films de Pierre Zucca ! 1975 : Vincent mit l’âne dans un pré (et s’en vint dans l’autre)  ; 1979 : Roberte ; 1983 : Le Secret de monsieur L ; 1984 : Télévision de chambre : Sous le signe du poisson ; 1985 : Rouge-gorge ; 1988 : Alouette, je te plumerai.
Il éclaire de nombreux téléfilms.

Nous ne travaillions plus ensemble mais étions restés amis, des discussions passionnées autour du cinéma, de ses techniques, animent nos rencontres, nous avons un voilier que nous partageons, les navigations communes sont l’objet de longs débats.
Paul était tolérant, attentif, curieux, une amitié de plus de quarante ans, solide, fidèle.
Je ne serai pas comme Claude Chabrol, la disparition de Paul mérite bien des Larmes.