Petite maman

Je retrouve Céline Sciamma, deux ans après Le Portrait de la jeune fille en feu. Nous avons retravaillé en grande partie avec la même équipe. Petite maman est un récit de voyage dans le temps. Dès le départ, le projet était de tourner les deux maisons en studio soit presque tous les intérieurs du film. Nous avons avec Céline beaucoup partagé sur le choix des matières, sur les dimensions, sur les couleurs jusqu’au moindre détail. Définissant ensemble avec précision notre palette et nos logiques d’intervention pour ces deux maisons.

Ces espaces ont une part très intime pour Céline et ont toujours dialogué avec ses choix de mise en scène. Gommer la sensation d’époque était une chose très importante : nous ne voulions pas faire époque mais trouver le commun des époques. Filmer ce que les deux protagonistes partagent plus que ce qui les sépare. Petite Maman ne se situe pas dans un temps précis. Céline souhaitait qu’un enfant de 2021 comme des années 50-70-80 puisse se projeter dans les espaces du film. Nous cherchions à faire ressentir ces espaces par le choix des matières. Céline est aussi chef costumière sur le film ce qui allait dans le sens de cette direction artistique très concentrée.
Nous avons souvent évoqué Hayao Myazaki (et j’ai vu les films de Mamoru Hosoda) pour la manière visuelle d’exprimer les choses et la place importante de l’imaginaire dans leurs films. Il y a à la fois de la magie et beaucoup de simplicité dans Petite maman.

Photogramme - © Lilies Films


Les deux personnages principaux sont des petites filles de 10 ans. Le tournage quotidien avec des enfants demande une grande concentration et une grande disponibilité sachant que les horaires de tournage sont très réduits. Ce sont des moments d’une grande intensité. C’était un film très émouvant à tourner, un film sur la transmission.
C’est la première fois que je tourne autant de temps en studio, ça a été pour moi un des grands plaisirs du film. Le studio permet d’inventer son espace et de penser son aspect modulable. Je souhaitais que la lumière "meurt" dans les pièces. En utilisant les fenêtres, en recréant des fenêtres ou des ouvertures en haut des feuilles de décor plus qu’en utilisant la hauteur du studio, préférant souvent garder la réflexion claire des plafonds.
J’ai écrit comme une partition musicale pour la lumière, une conduite très précise séquence par séquence.
Je rêvais d’un appartement entièrement prélighté qui nous permette facilement de changer d’effets de lumière, de passer du jour à la nuit avec un minimum d’intervention. Ce n’est bien sûr pas si simple mais cette réflexion m’a fait choisir une base unique de 3 600 K sur la caméra pour tous les effets. Ce qui est une gymnastique particulière en jour en utilisant du HMI. J’aimais aussi l’idée de retrouver des chaleurs similaires entre le soleil de jour et les lampes allumées la nuit. J’ai beaucoup travaillé sur les mélanges de couleurs en jour.

Photogramme - © Lilies Films


Nous avons cherché à retrouver la richesse de la lumière naturelle en studio et à amener un côté un peu plus décor aux extérieurs tournés dans la forêt de Cergy. Nous souhaitions un automne flamboyant ce qui nécessitait de nombreuses interventions : supprimer les feuilles trop vertes, recouvrir le sol de feuilles automnales. Notre palette devenait un herbier.

Photogramme - © Lilies Films


Nous avons souvent parlé de faire rentrer les couleurs de l’automne dans le studio. Le lien intérieur/extérieur était bien sûr une vraie question. Notamment par les découvertes présentes en studio, comme des fenêtres sur la forêt. Découvrant en cours de préparation que ce n’étaient pas juste des fonds mais de réels espaces qui nécessitaient de la place et qui devaient rentrer dans les plans d’éclairage. J’ai travaillé, entre autres, avec un paysagiste et ce sont de nombreuses couches d’intervention jusqu’à l’étalonnage pour trouver le bon dosage.


Nous avons fait des essais en amont à la fois en studio et en extérieur. J’ai choisi la Red Monstro et les Thalia en extérieur et l’Alexa LF et les Thalia en intérieur. J’ai privilégié la douceur dans les basses lumières en intérieur avec une grande maîtrise de la couleur permise par le studio et je me suis appuyée sur la richesse naturelle des couleurs d’automne en extérieur que m’offrait la Red Monstro. Les Thalia apportent rondeur et profondeur en gardant la précision qui allait dans le sens de notre travail sur les matières et les visages.

Photogramme - © Lilies Films


De nuit comme de jour, j’ai cherché à dessiner des ombres, à jouer avec les ombres. Et aussi à faire bouger ces ombres, à faire du vent dans les feuilles, une manière aussi de faire ressentir l’extérieur. De nombreuses mains tirant des fils de nylon étaient alors nécessaires et une grande implication de chacun. Il ne s’agissait plus de capter ses variations et ses fausses teintes mais de les recréer. Donner vie à la lumière est définitivement une chose qui m’enthousiasme. Céline souhaitait enfin faire un film ludique, un film joueur qui puisse impliquer les spectateurs petits et grands. C’était un point qui revenait souvent et qui m’a également portée tout le long du tournage.

Bande-annonce officielle


https://youtu.be/SqY8DMVjVs4

Portfolio

Équipe

Première assistante opératrice : Fabienne Octobre
Deuxième assistante opératrice : Nathalie Lao
Chef électricien : Ernesto Giolitti
Chef machiniste : Marc Wilhelm
Etalonneur : Jérôme Bigueur

Technique

Matériel caméra : TSF (Red Monstro et Arri Alexa LF ; série Leitz Thalia)
Matériels lumière et machinerie : TSF
Studio : TSF
Laboratoire : Hiventy

synopsis

Nelly a huit ans et vient de perdre sa grand-mère.
 Elle part avec ses parents vider la maison d’enfance de sa mère, Marion. Nelly est heureuse d’explorer cette maison et les bois qui l’entourent où sa mère construisait une cabane. Un matin, la tristesse pousse sa mère à partir. C’est là que Nelly rencontre une petite fille dans les bois.
 Elle construit une cabane, elle a son âge et elle s’appelle Marion. C’est sa petite maman.