Rencontre, à la CST, avec la FNCF à propos des formats de projection

par Eric Guichard La Lettre AFC n°272

A la demande de Richard Patry, président de la Fédération Nationale des Cinémas Français (FNCF), la Commission Supérieure Technique de l’image et du son (CST) a organisé, jeudi 12 janvier 2017, une première rencontre dans ses bureaux en présence de membres de l’AFC.

Etaient présents :
Angelo Cosimano, CST, Jean-Marie Dreujou, AFC, Pierre-William Glenn, AFC, CST, Eric Guichard, AFC, André Labbouz, CST, Gaumont, Stéphane Landfried, FNCF, CST, Ken Legargeant, CST, FNCF, Richard Patry, FNCF, Alain Surmulet, CST, FNCF.

En préambule, Richard Patry nous explique les difficultés rencontrées ces derniers temps par des formats de projection de films qui n’étaient pas "standardisés". Pour simplifier la discussion nous décidons de les nommer "films aux formats non standards".

Parmi les films cités, Tomorrow Land au format 2,2, Jurrassic World au format 2, La La Land au format 2,55 et, parmi les films français, L’Odyssée au format 2,66, qui ont été livrés dans un container [1] existant dans la norme AFNOR. Et le cas de Maman a tort, au format 1,55, livré dans un container au même format, non reconnu par la norme.
Rappelons qu’un film au format non standard ne dispose pas de macro pré-installatée dans les systèmes de projection. Pour pouvoir être projetés, ces formats doivent donc être redimensionnés à l’intérieur d’un standard existant, et une projection sur un écran non prévu à cet effet entraine de facto la présence de zones noires soit en hauteur soit en largeur ("letter box"). C’est donc une problématique ennuyeuse qui pourrait entrainer une déception du public.

Richard rappelle que les formats suivants (norme AFNOR NF S 27-100) sont installés systématiquement dans les équipements numériques de projection : 1,33 (4/3), 1,37, 1,66, 1,77 (16/9), 1,85, 2,39 et 2,2 (70 mm). Tout autre format ne fait pas l’objet d’une normalisation et n’est donc pas pris en compte par les installateurs de matériels (projecteurs, serveurs et écrans).
Contrairement aux idées reçues, si le numérique à la prise de vues permet quasiment de décliner en postproduction tous les formats de cadre imaginables, il n’en est pas de même à la projection qui elle, nécessite de créer des macros [2] pour que le projecteur respecte la dimension du format non standard. D’autre part, le format des écrans des salles de cinéma se répartit entre 70 % de salles au format 2,39 et 30 % de salles au format 1,85.
Ces macros ne peuvent être créées que par l’installateur de l’équipement qui lui seul possède les droits d’administration de ces matériels, qui relèvent de la logique économique du secteur informatique. Le personnel d’un cinéma n’est pas formé pour cette ingénierie, que les constructeurs s’interdisent de vulgariser car très éloignée du domaine de compétence de la projection en salles.

D’autre part, créer une macro spécifique à un format particulier nécessite également de disposer d’une mire appropriée. Ce qui repose sur un travail collectif intégrant tous les intervenants de la chaîne de fabrication : équipe de tournage, loueurs et fabricants de caméras, laboratoires, distributeurs et exploitants, qui devront pouvoir, à travers leurs discussions, intégrer leurs contraintes respectives.
Il apparaît illusoire pour la sortie d’un film de format non standard de faire le tour du parc des salles exploitant le film pour procéder au réglage de cette macro spécifique. Des outils de gestion à distance existent (système Qalif [3]) mais ne sont pas encore assez répandus, loin s’en faut.

Quelles précautions devons-nous prendre ?
Tout d’abord, convaincre les metteurs en scène et tous les intervenants que les projets qui voudraient s’écarter des standards doivent se préparer bien en amont et jusqu’au bout de la chaîne de fabrication. Au stade actuel, tout format spécifique doit s’intégrer impérativement dans un container de formats préinstallés dans les équipements.
Pour l’exemple, nous pouvons citer dans cette configuration, le film Mommy, de Xavier Dolan (image dont la dimension varie pendant la projection) ou bien encore Les Malheurs de Sophie, dont les projections parce qu’anticipées, n’ont posé aucune problématique particulière.
A contrario, et pour l’exemple, la projection de Maman a tort, livrée au format 1,55 n’a pas pu être effectuée dans des conditions correctes. Voir en vignette de cet article la photographie "très parlante", réalisée sur le site de l’UGC Les Halles.

Les questions d’avenir
Etudier en amont la possibilité de création de nouveaux formats n’est pas un débat incongru. Nous rappelons que les formats existants sont issus de compromis entre les possibilités techniques du photochimique, de l’optique, et souvent de contraintes de coûts architecturaux.
Les différentes évolutions du XXIe siècle nous autorisent à repenser le spectacle de demain. Ainsi la proposition d’un nouveau format – comme Vittorio Storaro, AIC, ASC, le défend depuis des années avec son format fétiche 2 – est-elle désormais du domaine du possible ?
Richard Patry précise également que l’objectif premier des exploitants est bien de faire respecter les choix des metteurs en scène dans la mesure du possible et des contraintes de l’exploitation. Il s’agit donc de savoir et de comprendre si cette recherche de nouveaux formats va perdurer, et dans ce cadre, de rechercher quelles solutions pourraient être envisagées afin de permettre aux exploitants de projeter les films dans les meilleures conditions.
Ces enjeux, chacun d’entre nous dans la chaîne de l’image doit y réfléchir pour que les conditions de projection soient les meilleures possibles et qu’au bout de la chaîne les spectateurs aient accès à ces formats différents mais dans le confort visuel que doit offrir la salle de cinéma.

Eric Guichard pour l’AFC, la CST et la FNCF

[1Container : représente le format fini de l’image, sa taille en pixels dans le fichier. Attention un format "full container" peut avoir une image d’un ratio différent à l’intérieur, il y aura dans ce cas des bandes noires (letter box ou pillar box). Pour info : l’appellation "full container" (totalité du conteneur) correspond à 2 048 x 1 080 en 2K et 4 096 x 2 160 en 4K pour un ratio de 1,90. Ces tailles correspondent au maximum autorisé du cinéma numérique. Nous sommes donc bien à la totalité du "conteneur image autorisé".

[2Macro : ensemble de paramètres enregistrés dans un fichier de configuration que l’on peut déclencher automatiquement en le sélectionnant. La macro permet de définir le ratio, l’espace colorimétrique, le gamma, 3D, etc. L’objectif final est de déclencher automatiquement les réglages propres à un film par la sélection de la macro correspondante (par exemple : Macro 1,85 X’Y’Z’ gamma 2,6 en 3D pour un DCP en 1,85 3D).

[3Qalif : Alors qu’en 35 mm la qualité de l’image dépend avant tout de la copie, des réglages d’image poussés peuvent être réalisés sur les projecteurs numériques. Pouvoir offrir la meilleure projection possible aux spectateurs et reproduire fidèlement les choix esthétiques des cinéastes repose maintenant pour une bonne part sur ces réglages.
C’est une révolution mais elle n’était pas achevée jusqu’à présent car les outils qui permettent de mesurer l’impact de ces réglages sur l’écran n’ont pas été tout de suite adaptés à cette nouvelle donne : le spectrophotomètre et le luxmètre restent les principaux instruments utilisés - des outils coûteux et complexes à manipuler.
Lancée depuis un moment, l’idée de valider la calibration des projecteurs numériques avec un seul instrument simple à utiliser s’est concrétisée récemment avec deux solutions : le LSS 100 de l’américain USL et Qalif, que nous présentons ici, développé par la société Highlands Technologies Solutions, partenaire européen de Doremi dans la conception et la commercialisation de ses offres pour le cinéma numérique (serveurs, IMB, IMS).
Le boîtier Qalif comprend :
- Un appareil photo de très haute résolution (3 326 x 2 504 pixels), qui sert à photographier les mires de test projetées sur le grand écran (elles sont fournies avec Qalif sous forme de DCP). Cet appareil peut capter toute l’étendue du spectre colorimétrique reproduit par les projecteurs D-cinéma (son processeur enregistre les couleurs sur 16 bits alors qu’elles sont quantifiées sur 12 bits dans un projecteur numérique).
L’appareil photo haut de gamme intégré dans Qalif offre beaucoup d’avantages par rapport aux instruments de calibration traditionnels : alors que ceux-ci font des mesures sur des points précis de l’écran, l’appareil photo capte l’intégralité de l’image projetée, ce qui permet d’en faire des analyses globales tout en simplifiant le travail : là où il fallait faire plusieurs mesures dans différentes partie de l’écran, une photo suffit.
L’appareil photo Qalif est fourni avec un pied qui peut être déployé entre deux rangées de fauteuils. L’appareil doit être placé à une distance de l’écran égale aux deux tiers de sa largeur. Un télémètre laser livré avec le boîtier donne la position appropriée.
- Un logiciel qui analyse en temps réel les photos de mires que prend l’appareil.
- Une connexion WiFi pour relier Qalif à un terminal portable (PC, tablette ou smartphone) et au projecteur D-cinéma. Cela permet d’effectuer à la fois les mesures et les réglages sur le terminal : captation, visualisation des résultats des mesures, correction de la calibration du projecteur. Une seule personne peut tout faire, chose impossible avec les outils de calibration traditionnels.