Terre et cendres

Khakestar-o-khak
Un pont, une rivière asséchée dans un paysage désolé, la guérite d’un gardien mal luné, une route qui se perd à l’horizon, un marchand qui pense le monde, un vieillard, un petit enfant, et puis l’attente.

Rien ne bouge ou presque. Nous sommes en Afghanistan. Le vieil homme va annoncer à son fils qui travaille à la mine, le père du petit, qu’au village, tous sont morts sous un bombardement. Il parle, il pense : enfer des souvenirs, des attentes, des remords, des conjectures, des soupçons. C’est une parole nue qui dit la souffrance, la solitude, la peur de n’être pas entendu.
Atiq Rahimi s’est attelé à la tâche périlleuse d’adapter son roman à l’écran, ce qui pour un premier film n’est jamais facile, et je trouve sa réalisation délicate, mettant en scène de manière tactile et minérale ces lieux dramatiques et beaux, sans rien atténuer de la tragédie afghane.
Atiq avait des idées très précises sur ses choix et son découpage et je n’ai eu qu’à le conforter dans les directions choisies. Il voulait tourner en format Scope anamorphique pour mieux rendre l’immensité de ces espaces et pour mieux jouer de la profondeur de champ afin de rendre les fonds plus lointains et d’un rendu plus abstrait dans les flous.
Il souhaitait aussi une image légèrement diffuse et au tournage, nous avons essayé au maximum de travailler avec un soleil en contre, j’ai renforcé la diffusion avec une série de diffuseur Mitchell. Sur les extérieurs jour, j’ai utilisé de la 200T, 5274. Pour renforcer la nature de cette image, j’ai utilisé des objectifs Zeiss anamorphiques GO de Technovision, et pour faire face aux conditions difficiles, une caméra Arri 535.
Nous avons pu faire des repérages et préparer sur place une dizaine de jours, deux mois avant le début du tournage. Nous avons même réussi à faire des essais avec une Aaton 35 mm et des objectifs Zeiss GO, mais la météo ne nous fut pas favorable. Ces essais nous ont néanmoins permis de déterminer les focales appropriées - 5 au total - et les axes nécessaires au chef décorateur, Jean-Luc Le Floc’h qui, je dois le souligner, a fait un travail harassant dans des conditions vraiment difficiles, et malgré tout cela d’une très haute qualité.
Ayant un petit budget, j’ai dû batailler principalement avec des cadres, des toiles et des miroirs, n’ayant comme sources de lumière que 2 Luxarc 2 500 W, 3 Cinepar 1 200 W, 1 Bug Light 800 W, et 2 Bug Light 400 W. Pour les nuits, j’ai pu disposer d’un groupe plus puissant et j’ai fait venir de la lumière tungstène, principalement des boules chinoises, des mandarines et des mini Space Light. Pour les séquences d’intérieur et les nuits, j’ai choisi la Kodak 500T, 5218.
Le tournage, sur 7 semaines, s’est déroulé avec une majorité de techniciens afghans, à 350 km au nord de Kaboul à proximité de la ville de Polkomry.
J’avais réussi à emmener Claude Garnier, ma cadreuse. Depuis Himalaya, nous n’avions plus réussi à travailler sur un même projet et je trouve qu’elle a fait un travail d’une magnifique rigueur.
Les techniciens afghans avaient, pour la plupart, arrêté de travailler pendant la période " talibans ", et d’autres n’avaient jamais vu de tournage. Ce fut pour eux, et pour nous, un travail d’apprentissage parfois épuisant, mais toujours drôle et chaleureux. L’assistant caméra n’avait jamais utilisé d’objectifs anamorphiques, et Claude a dû passer beaucoup de temps à l’aider à préparer le travail de point. Le second assistant, qui fut des années soldat aux côtés du commandant Massoud, s’est révélé un formidable technicien, entretenant avec beaucoup de rigueur le matériel et toujours soucieux de protéger les magasins et la pellicule de la chaleur parfois accablante.
La poussière environnante fut notre principale ennemie, s’incrustant partout, et nous obligeant chaque soir à tout nettoyer.
Ce film n’aurait pu se faire sans l’aide de tous, Olivier Chiavassa et Eclair, Natasza Chroscicki et l’équipe de Technovision, Didier Diaz et Transpalux, Gérard Savary pour l’étalonnage, la société Kodak, Muriel Mayret pour la préparation du matériel caméra à Paris, Christian Vicq, chef électricien, pour la préparation du matériel électrique. Je profite de ce petit texte pour les remercier chaleureusement.
Avec Atiq, ce fut une belle collaboration, et la découverte d’un pays magnifique, englouti dans ces années de guerres successives, et malgré tout plein d’espoir.

Produit par Les Films du Lendemain (Dimitri Declerc)
Prix " Regard vers l’Avenir ", festival de Cannes 2004, partagé avec Whisky de Juan Pablo Rebella et Pablo Stoll.

Équipe

Cadreuse : Claude Garnier
Chef électricien : Christian Vicq

Technique

Pellicule : Kodak 500T 5218
Matériel caméra : Technovision
Matériel lumière : Transpalux
Laboratoires : Eclair
Etalonnage : Gérard Savary