Young Yakuza

Ce n’est pas Céline Bozon qui présente Young Yakusa mais Julien Hirsch qui a photographié l’essentiel de ce film documentaire.

Parce qu’un chef de famille mafieuse japonais faisait en France un improbable pèlerinage en l’honneur de Jeanne d’Arc, parce qu’un cinéaste français passionné par l’irrégulier, le déviant et la marge, rencontrait par hasard ce voyageur étranger, parce que ce jeune parrain ne se reconnaissait pas dans ce que le cinéma montrait de son milieu, parce que ce cinéaste était inspiré par les contraintes qu’imposent la langue la culture les règles et la parole de voyou, parce qu’après deux ans de négociation interne, ce chef de gang obtenait d’un des plus grand syndicat du crime japonais l’autorisation qu’une caméra doublement étrangère (par la nationalité et par le milieu) entre dans le quotidien de son clan et parce que Jean-Pierre Limosin et M. Kumagaï ont énoncé les règles que chacun devait respecter jusqu’au bout de ce projet incertain, Young Yakuza est né.

A l’origine, ce documentaire devait raconter le parcours d’un jeune homme de 20 ans que sa famille (préoccupée par l’oisiveté et les fréquentations de leur fils) confiait à la mafia pour une formation de un an, à l’issue de laquelle il déciderait lui-même d’intégrer définitivement le clan (ou pas), en devenant un yakuza à part entière. Mais assez rapidement, nous avons été les témoins de bouleversements importants dont le parrain et son clan n’allaient pas sortir indemnes (pas plus que le jeune apprenti d’ailleurs), ces événements inattendus prenant, de fait, une place importante dans le film.
Dans ces circonstances, et compte tenu des contraintes imposées par le milieu (emplois du temps aléatoire, visages interdits à l’image, actions illégales à ellipser…) toute la grammaire cinématographique semblait devoir être questionnée en permanence, pour pouvoir filmer de manière à raconter cet univers qui transpire la fiction et la mise en scène, sans enfreindre aucunes des règles définies par le clan.

Le choix du Super 16 nous a permis de baser nos rapports avec les yakuzas sur une confiance mutuelle car il n’y avait aucun moyen pour eux de visionner les rushes. Et petit à petit, la caméra s’est faite oublier, puis est devenue la confidente de leur intimité, de leurs questionnements, de leurs désarrois et de leur solitude.
Nul doute que la rencontre avec ce milieu très fermé ait représenté pour moi une des expériences humaines et professionnelles les plus extraordinaires qu’il m’ait été donné de vivre. Et bien que conscient qu’il soit difficile de résister au plaisir d’être accueilli par une communauté très sélective et secrète (quand bien même cette communauté serait peu recommandable), je suis fier d’avoir partagé le quotidien de cette " famille " pendant cinq périodes de dix jours, en découvrant le Japon avec ces guides très particuliers.

Sans scoop et sans commentaire, ce film témoigne de l’humanité de ces yakuzas, de leur univers dérisoire, et du sens de leur survie dans un Japon qui leur est de plus en plus hostile. Ce qui n’est pas filmé, c’est ce que tout le monde sait d’eux !