Camerimage 2002

par Pierre Lhomme

par Pierre Lhomme La Lettre AFC n°117

Une impressionnante réunion de "cinematographers" :
Freddie Francis (BSC) pour son "Lifetime Achievements Award", Walter Carvalho (Brésil), John de Borman (BSC), Jost Vacano (BVK - ASC), Denis Lenoir (AFC, ASC), Krzysztof Ptak (PSC), Edward Lachman (ASC), Timo Salminen (Finlande), Gernot Roll (Allemagne), Christophe Doyle (Australie), Barry Ackroyd (BSC), Jose Maria Civit (Espagne), Vilmos Zsigmond (ASC), Chris Menges (BSC), Phedon Papamichael (ASC), Dominique Gentil (AFC), Peter Deming (BSC), Adam Greenberg (ASC), Janusz Kaminski (ASC, PSC), Andrei Jaroszewicz (PSC), Piotr Wojtowicz (PSC).
Et de réalisateurs :
Ken Loach, Paul Schrader, Volker Schlöndorff, Andrezj Zulawski, Stephen Frears.

Nous avons dû, en tant que jury, apprécier 14 films en 5 jours ! Un seul à mon sens n’avait pas sa place dans cette manifestation.
Un choix éclectique des organisateurs polonais nous a permis de connaître les tracas de ceux qui doivent juger...

C’est très délicat de distinguer la lumière d’un tout qui est le film. On aimerait que le film exceptionnel soit épaulé par une lumière toute aussi exceptionnelle. Cela demeure un vœu pieux : nombreux sont les exemples de films "phares" dont l’image est quelconque ou franchement moche.
Nous avons voulu dire que la qualité du travail d’un chef opérateur pouvait se juger aussi bien dans un film à tout petit budget que dans une production hollywoodienne. Dans les deux cas, la contribution du chef opérateur peut être déterminante.
"Road to Perdition", photographié par Conrad Hall : inventivité au service d’une histoire insipide. Conrad Hall est pour moi un des DP les plus étonnants et cela depuis le superbe "Fat City" de John Huston.
Sans aucun doute, pour nous tous, le premier prix lui revenait, mais nous avons été heureux de le reconnaître ex æquo avec Krzysztof Ptak, talentueux DP d’un film à tout petit budget, "Edi", pour la pureté et l’efficacité de la lumière et du cadre - très beau premier film du Polonais Piotr Trzaskiski, tourné faute de moyens en DV.

Un deuxième prix est allé à Edward Lachman pour l’originalité et l’inventivité de sa contribution à "Far from Heaven", un réjouissant hommage à Douglas Sirk mis en scène par Todd Haynes (voir le numéro de décembre d’American Cinematographer).

Le troisième prix est allé à Denis Lenoir pour sa grande créativité et son incroyable audace tant au cadre qu’à la lumière. Pour ma part, j’ai été étonné des prises de risque et des réussites de Denis. C’est toujours stimulant de voir un travail étonnant que, soi-même, on n’aurait pas pu concevoir.
J’avais déjà vu le film d’Assayas et l’avais trouvé insupportable et abscons, du même coup le beau travail de Denis m’avait échappé. J’ai été heureux de le revoir et de pouvoir partager mes sentiments avec mes collègues - à savoir "a pearl thrown into mud", soit en français : "de la confiture donnée aux cochons"...

Les projections étaient suivies par un public nombreux, jeune et épatant, un public vibrant.

Au cours d’une réunion d’Imago à Lódz, on a pu mesurer l’impact du constat de Conrad Hall. Je crois qu’il faut apporter une grande attention à des débuts de ras-le-bol chez nos collègues des USA car le virus nous est venu des productions américaines et gagne petit à petit notre continent. C’est de notre santé et de la qualité de notre vie professionnelle qu’il est question.

Dans un film de Philippe de Broca des années 60, Daniel Boulanger faisait dire au "farceur" : « Il ne faudrait pas perdre sa vie à la gagner... »
Je crois que l’AFC, sans se substituer à nos syndicats, ne peut pas éluder ce problème.