Flash-back sur la "Rencontre avec Bruno Nuytten"

Par David Quesemand, AFC

par David Quesemand

Le Feu follet, de Louis Malle, photographié par Ghislain Cloquet (1963) est le premier extrait en hommage à son professeur de l’Insas. La précision de la mise en scène et du découpage frappe. Un petit détour technique sur le développement rapide choisi par G. Cloquet pour obtenir cette douceur de gamma, cette finesse des niveaux de gris dont la copie trop contraste ne rend pas du tout compte.

Chaque extrait projeté sera d’ailleurs une déception pour Bruno : la copie de Possession, de Zulawski, est trop claire et trop chaude, le film a été restauré sans qu’il ne soit invité. Barocco, de Téchiné (1972), aurait grand besoin d’être restauré mais les ayants-droit ne font rien…
Nuytten… N’Guyen ? Marguerite Duras aime le patronyme de Bruno, qui sonne un peu vietnamien mais le trouve un peu jeune : elle lui demande de lui présenter un opérateur dont il sera l’assistant. Ce sera Ricardo Aronovich puis Ghislain Cloquet. Le troisième film sera le bon pour débuter une collaboration qu’il adore quand elle lui demande de l’amener ailleurs comme pour India Song (1975), tourné en banlieue parisienne. Toute petite équipe pour une aventure expérimentale comme il les aime. Mais le voilà bientôt happé par de plus gros budgets. En sortant de Fort Sagane, d’Alain Corneau (1984), Henrik Chroscicki, de Technovision Rome, lui offre de garder une des caméras, Jacques Doillon ne veut pas d’anamorphique pour La Pirate (1984) mais le film se fait grâce à ce prêt et le partage des salaires entre cinq techniciens.
Il sort exténué de presque un an de tournage avec Claude Berri sur les grosses machines Jean de Florette et Manon des sources (1986) et y laissera là ses cellules.

Bruno Nuytten - Photo David Quesemand
Bruno Nuytten
Photo David Quesemand

La découverte de l’écriture et du montage seront peut-être ses meilleurs souvenirs de Camille Claudel (1988). Il n’aura presque pas besoin de discuter avec Pierre Lhomme et se réjouit à la découverte des rushes.
Bien sûr, il aime retrouver aussi cette proximité avec les comédiens qu’il connaissait comme cadreur (d’où sa tristesse sur les projets où il ne fait que la photo) mais c’est tout de même un film lourd à porter. Après avoir donc réalisé « son dernier film, il est temps de passer au premier » et ce sera Albert souffre (1992) à l’énergie et au budget Rock’n’Roll sur lequel Éric Gautier fera ses premières armes.
Plus récemment, il finit par accepter ce documentaire sur lui de Caroline Champetier (2016) et sa rencontre avec les étudiants du Fresnoy le raccroche aux images, fixes et verticales cette fois. Prises à l’iPhone et distordues par de multiples passes numériques, elles sont imprimées sur un coton épais qui offre des noirs profonds.
Bruno avait quitté la fiction pour retrouver le réel mais ne peut s’empêcher de le tordre jusqu’à l’abstraction, gageons que ce ne sera pas sa dernière contradiction et qu’il continuera à se retrouver là où il ne pensait pas aller ...

Yonca Talu et Bruno Nuytten - Photo Filip Tuchowski / Camerimage
Yonca Talu et Bruno Nuytten
Photo Filip Tuchowski / Camerimage

Rencontre menée par Yonca Talu, traduite en anglais pas Léo Hinstin dans le décor un tantinet nostalgique du Centre d’art contemporain de Torùn, où les photos de Bruno Nuytten restent exposées jusqu’au 25 novembre.

En vignette de cet article, Léo Hinstin, Yonca Talu et Bruno Nuytten - Photo Filip Tuchowski / Camerimage.