In the Name of... Simplicity
Par Lucile MercierLe film In the Name of... (W imię...) – compétition polonaise –, de Małgośka Szumowska, mise en lumière par Michał Englert, émaille le festival Camerimage, lieu par excellence où la lumière est. Mais que doit-on se dire en sortant d’un film ici ou ailleurs ? Si les mots « c’était une belle photographie » nous viennent, nous pouvons penser, suivant ce que dit Sean Bobbitt, BSC, que ce n’est rien de moins qu’un échec – pour le réalisateur comme pour le chef opérateur. Si la photo doit servir le film et l’histoire et non pas être un faire-valoir, l’important est d’avoir des images gravées dans la mémoire mais collées, indissociables du cœur du film.
On pourrait avoir peur d’un côté sulfureux en se penchant le " sujet " du film – caricaturons – la découverte de l’homosexualité d’un prêtre – mais le film montre essentiellement les prémices d’une histoire d’amour, sensible, entre deux hommes, délicatement filmée. Il s’agit là d’un film qui prend le temps de montrer, l’œil a le temps de s’installer dans les plans. Le regard se développe sur ces corps en action, cinéma antistatique et de composition. Au fur et à mesure les images diffusent en nous, comme la lumière y est douce et diffuse.
L’objectif du film ne semble pas de se proposer comme vision critique de la religion ou comme revendication pour la liberté sexuelle, il se contente de dresser un tableau puissamment contemporain d’une société reconnaissable par tous, quelle que soit notre nationalité. Le film reste dans le suggestif, ces personnages sont lumineux et en tant que spectateur il n’y a pas d’attente d’une performance de quelque nature que ce soit. In the Name of... semble en effet plus proche dans la finesse et le propos de son homologue américain Le Secret de Brokeback Mountain, d’Ang Lee, que de La Vie d’Adèle, d’Abdellatif Kechiche.
Alors voit-on un manque ? Quel engagement y a-t-il à filmer ? Parce que faire une image est toujours politique, parce qu’il s’agit d’un choix 24 fois par seconde, que dit le film, en se soustrayant pourtant de ne toucher aucune pensée traçable ? Que doit-on interpréter de la fin du film, pieds de nez ou conformisme ?
Et si In the Name of... reste néanmoins un de ces films qui, à la sortie de la salle et pendant quelques heures, voire quelques jours après, produit cette sensation d’avoir vu quelque chose qui valait la peine, impression éminemment reconnaissable : on se sent différent à la sortie de la projection, c’est bien là un des meilleurs repères d’appréciation, cinéma de ré-action. Mais cinéma d’idées ou cinéma d’image ?
A entendre Slawomir Idziak, PSC, Sean Bobbit ou encore Christopher Doyle, ils semblent s’accorder sur un point : l’image d’un film, pour être juste, doit d’abord partir des mots, du scénario. Ces grands opérateurs se rassemblent sur cette façon de faire, quelle que soit leur méthode de travail ou leur " style " : " Main word : simplicity "(1), la beauté vient de la simplicité, la beauté pour servir une histoire, à la recherche d’une certaine pureté. « Une seule source, simple, c’est ce qu’il y a de plus élégant », dira Tom Stern, ASC, AFC (2).
Les chefs opérateurs dont on admire la carrière sont des opérateurs qui on su et pu collaborer avec des réalisateurs qui pensaient avec le medium cinéma : Sean Bobbit avec Steve McQueen, Slawomir Idziak avec Krzysztof Kieślowski, Christopher Doyle avec Wong Kar-wai – notamment.
Comment se peut se renouveler le cinéma aujourd’hui ? Peut-être avec de véritables nouveaux réalisateurs… Cette question me traverse l’esprit à Bydgoszcz, à voir tous ces films dont l’image devrait vouloir dire quelque chose puisque comme le souligne Slawomir Idziak, « Cinema deals with particular dreamlike perception ». (3)
C’est pour cette raison que je retiendrai particulièrement In the Name of… à Camerimage 2013 parce qu’il approche cette justesse, cette adéquation entre une esthétique et son histoire, qualité des films réussis.
(1) Bruno Delbonnel – Rencontre avec Kodak “ About the look "
(2) Tom Stern – Arri Workshop
(3) Camerimage Festival – Rencontre avec Slawomir Idziak
Lucile Mercier, en dernière année du département Image à La fémis, tient à remercier particulièrement Jacques Delacoux (Transvideo), Marc Galerne (K5600 Lighting) pour leur invitation au Festival Camerimage 2013, ainsi que l’AFC et Jean-Noël Ferragut.)
- Cet article est également à lire, en anglais, sur le site Internet de Film and Digital Times.