L’Origine du monde

Paru le

Laurent et moi nous étions rencontrés sur Elle l’adore, de Jeanne Herry, quelques années auparavant. Lorsqu’il m’a contacté pour me parler d’un film qu’il allait réaliser, j’étais tellement excité par l’idée de travailler avec lui que je suis arrivé une heure en avance au rendez-vous…

J’avais toujours été impressionné par ce grand acteur.
Etant habitué au rituel des castings de chefs opérateurs, je venais au rendez-vous avec beaucoup de pression, imaginant qu’il voyait beaucoup de monde. Après quelques minutes de discussion, il m’a annoncé que j’étais son chef opérateur et qu’il ne voulait voir personne d’autre. Il avait simplement apprécié mon travail sur le film de Jeanne Herry.
Nous avons alors évoqué les films qui l’inspiraient pour commencer à se projeter dans son projet un peu fou.
Entre la fin de ce rendez-vous et ce jusqu’au tournage, nos échanges de travail se sont enchaînés de façon assez fluide et évidente.
Même s’il s’agissait du premier film de Laurent en tant que réalisateur, j’étais impressionné de voir à quel point il maîtrisait l’exercice. Je dirais que Laurent est quelqu’un de très précis, dont l’objectif est la quête d’une forme de "justesse" : Sent-on trop la caméra ? Le jeu d’acteur est-il trop démonstratif ? Certains partis pris liés aux décors ne sont-ils pas trop appuyés ?
Toutes ces questions qui se sont posées chaque jour en préparation et en tournage, ainsi que chaque décision qui en ont découlé, ont composé le squelette du film pour lui donner son identité.

Photo Laurent Champoussin


Laurent Lafitte - Photo Laurent Champoussin
Laurent Lafitte
Photo Laurent Champoussin

Le scénario :
Le scénario est adapté d’une pièce de théâtre de Sébastien Thiery dont Laurent a suivi le fil rouge.
Pour les besoins du scénario, des décors ont été rajoutés ainsi que des séquences se déroulant en extérieur.
Même si ces modifications ont aussi permis de sortir de l’appartement de Jean-Louis (Laurent Lafitte) et de Valérie (Karin Viard), il reste néanmoins le décor principal du film.
La volonté de Laurent était d’adapter cette pièce de théâtre pour en faire un vrai film de cinéma. Cette exigence a toujours été notre moteur dans l’approche artistique de ce film.

Le travail sur l’image :
Les films sont des propositions, et chaque réalisateur a sa vision. Sur ce projet mon travail a été de laisser davantage de temps à Laurent pour sa mise en scène et ses échanges avec ses acteurs tout en apportant une identité visuelle.
J’ai abordé les cadres et la lumière en collaboration avec notre chef décorateur Samuel Deshors (Call Me By Your Name, Métamorphoses, Les Chansons d’amour,...), et avec notre cheffe costumière, Carine Sarfati (Rock’n Roll, Möebius, L’Odyssée,… ), afin d’apporter à l’image un parti pris sophistiqué souhaité par Laurent. Nous avions en mémoire le travail des frères Coen qui n’hésitent pas à imposer une identité forte sur leurs films. J’ai la conviction que l’on peut se permettre une direction assumée lorsqu’un scénario est bon et que les acteurs sont précis.
Concernant l’appartement de Jean-Louis et Valérie (Laurent Lafitte et Karin Viard), Sophie Quiedeville (directrice de production) nous avait trouvé un immense appartement haussmannien situé dans le 16e arrondissement de Paris que Samuel Deshors a pu complètement restructurer pour le film.

Plan de l'appartement, de Samuel Deshors (chef déco), et planche déco
Plan de l’appartement, de Samuel Deshors (chef déco), et planche déco

La question du studio avait été évoquée mais notre volonté était quand même de conserver un réalisme afin d’épouser les contraintes d’un décor réel. Pour Laurent, c’était un moyen de ne pas s’éloigner d’une forme de vérité. Ayant beaucoup de contre-plongées dans le film, un des avantages de tourner en décor naturel était de n’avoir aucunes contraintes par rapport aux plafonds. Par ailleurs, j’ai choisi d’éclairer les décors principalement par l’extérieur ce qui dessine de plus belles directions de lumière. Cela m’a permis aussi d’offrir à Laurent une plus grande souplesse dans les cadrages.
En effet, je n’avais dans les décors que des sources mobiles et légères pour ajuster ma lumière scènes après scènes.



Nous avons utilisé des déports quadrilight de 4,20 m, réglables (en hauteur et gauche/droite) depuis l’appartement du dessus, au bout desquels ont été installés des M40 (aux extrémités) et des Alpha 9 (au centre). Pour varier les effets, nous faisions soit des directions dures, soit nous diffusions la lumière avec des cadres ou bien en utilisant les rideaux des fenêtres. Nous avions la chance d’être orienté plein Nord ce qui nous a protégé des variations du soleil en direct.

A l’intérieur de l’appartement, pour gérer le contraste, on se servait de CL1 en réflexion, notamment dans le couloir qui était très sombre. Et pour les faces sur les acteurs, nous nous sommes servis de Fabric-Lite 350 puis parfois d’un Litemat 4 et d’un Pillow.

Le travail du cadre :
Laurent ne souhaitait pas trop découper son film mais plutôt prendre le parti d’être précis pour raconter son histoire.
Je partage ce point de vue qui consiste à déterminer au tournage ce que sera le rythme du montage. Pensionnaire de la Comédie-Française, il est exigeant sur le travail des dialogues, ce qui a contribué à donner ce tempo entre les acteurs et l’image, comme une sorte de partition musicale.
En tournant la plupart du temps en légère courte focale, cela a permis de laisser suffisamment de perspective aux décors pour qu’ils existent tout en imposant davantage la présence des acteurs dans le cadre.

Laurent Lafitte et Axel Cosnefroy
Laurent Lafitte et Axel Cosnefroy

Le film présente une évolution visuelle tout au long de son déroulement. Il débute par des plans fixes ou en travelling pour progressivement évoluer vers de la caméra à l’épaule. Lorsque Laurent envisageait des effets ou des plans plus techniques, comme quelques plans-séquences, un travelling compensé, des mouvements en 360 degrés très chorégraphiés au Steadicam... Il voulait que ce soit réellement justifié par la narration.

Le matériel caméra :
Quand j’ai commencé à travailler sur le film, j’ai tout de suite demandé à la production de prendre la série d’objectifs Mini Hawk de chez Vantage. C’était le choix parfait pour ce film car cette série sphérique à la particularité d’offrir des bokeh type anamorphique grâce à ses iris elliptiques. Et les flous sont magnifiques…
Concernant la caméra j’ai opté pour une Alexa XT, classique et efficace, en format 2.1.

LaurentLafitte et Karine Viard. - Photo Laurent Champoussin
LaurentLafitte et Karine Viard.
Photo Laurent Champoussin


Alexander Bscheidl, c/o Vantage, et Sophie Quiedeville
Alexander Bscheidl, c/o Vantage, et Sophie Quiedeville

L’équipe technique :
Pour ce film, j’ai pu apporter mon équipe, des gens talentueux et impliqués que j’apprécie beaucoup : Grégoire Thévenot, premier assistant caméra, "Titoune", mon fidèle chef machino depuis vingt ans et enfin Cyrille Girard, chef électro avec qui j’avais fait aussi Elle l’adore, de Jeanne Herry.
Puis Chloé Rudolf, scripte et amie depuis dix ans, a été précieuse, tout comme Fred Gérard et Bret les deux assistants à la mise en scène qui ont parfaitement accompagné Laurent dans ses premiers pas.

"Titoune" et Cyrille Girard
"Titoune" et Cyrille Girard

La production :
Je connais Alain Attal et toute l’équipe de Trésor Film depuis plusieurs années car nous en sommes à notre troisième collaboration (Elle l’adore, SMS et L’Origine du monde). C’est Sophie Quiedeville qui a été directrice de production durant la préparation du film, et tout ceux qui ont eu la chance de travailler avec elle savent qu’elle est indispensable dans le cinéma. Puis elle a été relayée par Henri Le Turc pour la partie tournage.

La postproduction :
Julien Bodart a étalonné le film chez Color, c’est quelqu’un qui a compris très rapidement la direction du film en partageant mon regard. Nous avons travaillé trois semaines, étalées en plusieurs sessions, pour des raisons de montage et de VFX. Ces circonstances m’ont permis de prendre de la distance par rapport au travail de l’image et d’affiner davantage l’étalonnage.

Remerciements :
Laurent Lafitte, Trésor films, Xavier Amblard, Alain Attal, Sophie Quiedeville, Philippe Lefebvre, Samuel Deshors, Greg Thevenot, Titoune, Cyrille Girard, Fred Gerard, Chloé Rudolf, Yahn Jeannot, Operandi Mgmt, toute l’équipe du film ainsi que tous les acteurs.

L'équipe du film
L’équipe du film


(Le film a fait partie de la Sélection Officielle Cannes 2020 dans la catégorie Comédies.)1

Bande-annonce officielle


https://youtu.be/anMbWPwS7x4

Équipe

Premier assistant opérateur : Grégoire Thévenot
Chef électricien : Cyrille Girard
Chef machiniste : "Titoune" Martin Desfossez
Etalonneur : Julien Bodart

Technique

Matériel caméra : Vantage Paris (Arri Alexa XT et série Mini Hawk)
Matériels lumière et machinerie : TSF Lumière et TSF Grip
Postproduction : Color
VFX : Compagnie Générale des Effets Visuels
SFX : Les Versaillais

synopsis

Jean-Louis réalise en rentrant chez lui que son coeur s’est arrêté. Plus un seul battement dans sa poitrine, aucun pouls, rien. Pourtant, il est conscient, il parle, se déplace. Est-il encore vivant ? Est-il déjà mort ? Ni son ami vétérinaire Michel, ni sa femme Valérie ne trouvent d’explication à cet étrange phénomène. Alors que Jean-Louis panique, Valérie se tourne vers Margaux, sa coach de vie, un peu gourou, pas tout à fait marabout, mais très connectée aux forces occultes. Et elle a une solution qui va mettre Jean-Louis face au tabou ultime...