Le directeur de la photographie Stéphane Vallée parle de son travail sur le clip de Michael Kiwanuka "One More Night"

"Giant steps", par François Reumont pour l’AFC

Pour le clip "One More Night", du musicien britannique Michael Kinawuka, le chef opérateur Stéphane Vallée filme une étrange chorégraphie très haut perchée. Le clip est en compétition officielle à Camerimage 2017. (FR)

Quel était le concept d’image de ce clip ?

SV : La demande de Nez, le réalisateur – avec qui je travaille souvent –, était de trouver une façon de filmer suffisamment fluide, comme flottante, pour s’adapter à la performance des deux danseurs sur échasses. C’est pour cette raison que j’ai décidé de tout tourner au grand angle, avec une combinaison entre le 10, le 12, et 14 mm. De cette manière, on profite au maximum du décor, on exploite au mieux aussi les échelles et tailles des avant-plans et des arrières-plans. Le tout filmé soit à la grue, soit au Steadicam, en fonction des axes et de la sécurité nécessaire pour les danseurs qui ne pouvaient pas évoluer à proximité des rails.

Les deux danseurs ne sont pas aidés par des trucages de plateau ?

SV : Non, ils dansent en direct devant la caméra sans filet... Seuls leurs pieds ont été rajoutés en postproduction dans les plans en plongée. Ils ont réellement passé la journée à danser et à se déhancher devant nous sur des échasses de 2 m de haut. Pour ce faire, deux jours de répétition ont été nécessaires en amont avec eux (les danseurs étaient new-yorkais, le clip tourné à Londres), avec beaucoup d’essais sur les tenues et les textiles, de manière à pouvoir concilier le style et la sécurité.

Le clip démarre dans un format très allongé pour ensuite retrouver un format 2,4 plus réglementaire...

SV : C’est une chose qui n’était pas prévue à la prise de vues. Une idée qui a dû venir au réalisateur lors du montage, et que je trouve finalement très pertinente car elle rend plus mystérieux le début du clip et l’apparition du danseur masculin.

Comment avez-vous abouti à cette image ?

SV : Le tournage s’est déroulé sur une journée unique à Londres, avec un temps gris assez typique... Néanmoins, il y a eu deux ou trois apparitions du soleil, où on a pu saisir par chance certaines versions des plans les plus larges. Mais vu le perpétuel mouvement de la caméra, c’était très compliqué d’éclairer.
Sur l’étalonnage, on est parti ensuite sur une image un peu vintage, en gardant de la matière à l’image... Une tonalité qui me semblait bien coller avec le ton un peu "soul-rétro" du morceau.
Sinon, c’est tourné en Arri Alexa ProRes, avec des Zeiss T2.1 et une combinaison de filtres Black Pro Mist 1/8 et Mitchell A, qui me permet de casser le côté numérique sans trop jouer les halos ou les flares. J’ai, bien sûr, hâte de découvrir le clip en salle sur grand écran, comme c’est la tradition à Camerimage.

C’est quoi un clip réussi, pour vous ?

SV : Pour moi, c’est un clip qui sert la chanson. Proposer la mise en scène, le style et le montage qui vont dans le sens de la musique... Ça peut paraître simple sur certains clips, mais c’est pas toujours le plus évident à trouver !

N’aimeriez-vous pas tourner un clip en VR ?

SV : Vivant depuis quelques temps à Los Angeles, je constate effectivement que la réalité virtuelle est dans beaucoup de discussions là-bas. Les possibilités offertes semblent très intéressantes, mais les moyens nécessaires pour obtenir quelque chose de valable restent encore trop conséquents. Je pense que ça va prendre encore un certain temps avant que les systèmes soient démocratisés et qu’on puisse imaginer de tourner des vidéo clips comme celui-là en VR. En tout cas, ça m’intéresse !

(Propos recueillis par François Reumont pour l’AFC)