Louis-Ferdinand Céline
Paru le La Lettre AFC n°262
Milton Hindus, jeune écrivain juif américain, qui admire et soutient Céline avec ferveur, le rejoint au fin fond de la campagne danoise, avec l’intention de tirer de leur rencontre un livre de souvenirs.
De la confrontation entre les deux hommes, personne ne sortira indemne.
Janvier 2013, les premiers repérages ont lieu en Belgique pour le film d’Emmanuel Bourdieu sur Louis-Ferdinand Céline. En mars 2015, nous pouvons tourner, nous avons 21 jours.
L’histoire se situe dans une maison, entourée d’arbres dans un recoin du Brabant wallon. Les pièces sont petites, nous pouvons y travailler la déco de manière quasiment libre.
Les ouvertures, les découvertes, la circulation intérieure, extérieure, nous plaisent beaucoup.
La femme de Céline donnant des cours de danse à l’origine dans le grenier de la maison, Emmanuel a préféré aménager le scénario et changer cet espace pour une pièce au rez-de-chaussée et ainsi pouvoir réellement tourner dans tous les axes et utiliser la circulation d’une pièce à l’autre.
La forêt oppressait Céline, elle est omniprésente autour du décor.
Aux alentours, un chemin jalonné de grands arbres remontant dans la forêt ouvre sur une lande de sable, tantôt plantée de bruyères, tantôt striée de bouleaux aux troncs clairs.
Notre mer danoise avait été là, des milliers d’années auparavant. La côte, désormais plus loin, nous avait laissé un souvenir, une trace qui permettaient de croire à la proximité du chenal du Grand Belt qui se jette dans la mer du Nord et jouxte Korsør, ville où résidait Louis-Ferdinand Céline au Danemark.
Emmanuel souhaite un film froid, glacé. Tourner en hiver donne à la forêt des teintes marron, noires et grises, qui participent à cette atmosphère.
À l’image, tous ces volumes, ces matières, vont enrichir le cadre et contraster la lumière.
Eugénie Collet et Florence Vercheval, un duo formidable de chefs déco, nous proposent une gamme de couleurs bleue, grise, acier et terre sombre pour l’extérieur et l’intérieur de la maison où Céline et sa femme Lucette vivent et où la plus grande partie du film se déroule. Les peintures se posent sur des murs rugueux et inégaux.
Florence Sholtès et Christophe Pidre, les costumiers, partent dans les mêmes directions en ce qui concerne le choix des matières et les gammes de couleurs.
À seulement deux jours du début du film, après la projection des essais que nous avons tournés dans le décor, nous décidons de modifier quelques teintes sur certains murs.
Je construis beaucoup l’image du film en préparation avec la déco.
Nous avons tourné en Arri Alexa, avec une série Cooke S4, les fichiers ont été enregistrés en RAW. En ce qui concerne le choix de l’Alexa, il s’est imposé de lui-même suite aux essais que j’avais faits un mois auparavant pour le Micro Salon. J’aime la rondeur de son image, et son harmonie avec la série Cooke.
La série Cooke est, à mes yeux, magnifique, j’adore la qualité des flous de ces optiques, et la bascule délicate des changements de point.
Denis Lavant, Géraldine Pailhas et Philip Desmeules, tous trois d’extraordinaires acteurs, ont su enchaîner des pages de texte souvent longues et très dialoguées, tournées en plan séquence. Ils nous ont accompagnés dès l’aube pour faire les mises en place.
Malgré les contraintes de temps, Emmanuel a toujours emmené l’équipe dans la bonne humeur, il connaît son scénario par cœur, il aime les acteurs, s’amuse, cherche, partage ses doutes et se joies et travaille sans répit.
Tous les soirs, nous avons découpé ensemble la journée du lendemain, en fonction de ce que nous avions déjà fait et des courtes journées d’hiver qui s’offraient à nous.
Nous aurions rêvé tourné en optiques Scope, le choix du 2,39:1 sphérique nous est apparu indispensable pour cadrer au mieux ce trio et la nature qui les entourait.
Sylvain Fradier, notre 1er assistant opérateur, d’un calme olympien, nous a permis de tourner rapidement, malgré les longues focales et le peu de profondeur de champ.
Ma complicité avec Olivier Dirksen, le chef électro, et Jacques Borguet, le chef machino, fut un bonheur de chaque plan. Jacques et Olivier ont une expérience irremplaçable.
Jacques Borguet a fait danser la Peewee sur plaques, avec adresse et sensibilité, dans des endroits étroits, montant, descendant la colonne, guettant nos deux comédiens aux tailles diamétralement différentes. J’ai pu faire les mises en place au viseur, en totale liberté, sous ses yeux attentifs, sans me soucier de la manière dont il allait arriver à faire le mouvement, Jacques y est toujours parvenu, un bonheur pour moi qui adore cadrer.
Quant à Olivier Dirksen, mon chef électro, il quitte rarement la face, il écoute, observe et travaille sans cesse, discrètement. Il a, pour moi, un vrai regard sur le film, les comédiens, les plans.
J’ai besoin de cette attention qu’ils ont, de ce recul.
Je travaille avec Richard Deusy comme étalonneur, sa collaboration m’est très précieuse. Il apporte un œil nouveau sur le film, il trouve aux peaux des nuances délicates. Il pose une vraie ambiance sur le film, unique à chaque fois. Voir cette touche finale se révéler, tout au long de l’étalonnage, est une preuve du réel travail d’équipe que nous faisons.
Emmanuel et moi avons collaboré aujourd’hui sur trois films, j’ai la chance d’avoir sa confiance. Nous nous sommes rencontrés grâce à Marcia Romano, amie et coscénariste d’Emmanuel sur ses films.
Nous passons beaucoup de temps à lire le scénario, à chercher entre les lignes le découpage et l’atmosphère.
Je remercie toutes cette équipe et ces prestataires formidables qui m’ont permis d’avoir tourné ce film dans ces merveilleuses conditions de confiance et de bonne humeur.
Louis-Ferdinand Céline
Productions : JEM productions, Be films
Producteur : Jacques Kirsner
Scénario : Emmanuel Bourdieu et Marcia Romano
Équipe
1er assistant opérateur : Sylvain FradierChef machiniste : Jacques Boguet
Chef électricien : Olivier Dirksen