MuCEM à Marseille

Par Jimmy Glasberg, AFC

par Jimmy Glasberg - 18 octobre 2013 - Modifié le 9/08 La Lettre AFC n°236

MuCEM : Une belle aventure numérique autour du bassin méditerranéen
Au début de l’année 2013, j’ai repris du service pour la mise en images et la réalisation de modules vidéo intégrés à la muséographie de la galerie de la méditerranée au Mucem à Marseille.

Le concept, proposé par les muséographes du studio Adeline Rispal, se proposait d’utiliser de nouvelles techniques de diffusion basées sur des dalles vidéo de grandes dimensions (3,60 m x 3,60 m) composées de “ Black LED “ espacées de 4 mm pour obtenir une grande qualité des images.
Les scientifiques, conservateurs des musées de France, avaient un propos sur la Méditerranée qu’il fallait évoquer avec des séquences muettes. Une sorte de cinéma intégral.
J’ai tourné avec la nouvelle Canon C500, enregistrement en HD non compressé sur Gemini, et j’ai fait engager Philippe Ros, AFC, comme superviseur pour m’aider à dominer les questions techniques. Je rêvais toutefois d’avoir un vieux Caméflex.

La mise en images :
Le cahier des charges consiste à faire des plans fixes, la hauteur caméra est fixée à 1m 60, l’appareil doit être parfaitement horizontal avec la bulle réglée prés de l’axe optique. Il s’agit de cadrer en appliquant rigoureusement la théorie de la perspective classique. Les personnages se déplaçant dans l’espace et en profondeur en conservant un même rapport dans le cadre. La dalle est fixée au mur et touche le sol, le personnage cadré en pied au bord du cadre est de la même taille qu’un visiteur situé devant l’écran. Les contraintes de composition du cadre carré m’ont rappelé le format 1,33:1 que j’ai connu à mes débuts.
J’ai proposé de réaliser des plans séquences de durées aléatoires, des fragments cinématographiques que je nomme Pum : je filme pour le plaisir des scénettes, rencontres du quotidien dans ce style avec mon Pocket caméra depuis quelques années.

Les images diffusées sur ces grandes dalles ne sont pas destinées à un public captif confortablement installé dans une salle obscure, mais à un visiteur debout, mobile, attiré par d’autres points d’intérêt.
Les fragments sont toujours filmés dans un mode frontal, ils sont évocateurs et contemplatifs. Les thèmes sont précis et imposés par les conservateurs. La triade de l’agriculture méditerranéenne : Blé, Vignes, Olives et le monothéisme à Jérusalem. Trois lieux symboliques : le mur des Lamentations, le Dôme du Rocher et l’église du Saint-Sépulcre.

A Jérusalem, quelques négociations ont été nécessaires pour installer ma caméra où je le souhaitais prés des lieux de cultes. J’ai pu filmer pendant une grande partie de la journée en utilisant les heures appropriées pour saisir l’évolution des pèlerins dans une lumière intéressante. Les silhouettes des croyants de chaque religion évoluant dans l’espace créent une sorte de ballet dans mon cadre fixe, leurs comportements et leurs tenues vestimentaires sont évocateurs. Les entrées et sorties de champ dans le cadre créent un rythme cinématographique qui participe pleinement à l’assemblage des différents fragments.
Pour les paysages méditerranéens, j’ai dû tourner dans un laps de temps très court pour des questions de délais de livraison et de saison. L’intemporalité exigée par les conservateurs m’a conduit à devoir filmer des paysages sans personnage ni quelconque objet et signe contemporain. J’ai utilisé des purs éléments de la nature tel que le vent, la mer, les nuages et le passage d’animaux pour créer du mouvement dans le plan.

J’ai apprécié ce travail de patience et de contemplation solitaire en choisissant tranquillement la bonne lumière et le moment juste tel que nous pouvons très rarement le faire dans la prise de vues de film de fiction. Mon goût pour les films expérimentaux muets m’ont servis comme référence. La notion cinétique fait appel avant tout à des compositions rythmiques des différents plans séquences. 
J’ai eu beaucoup de plaisir à composer l’assemblage de ces fragments cinématographiques avec mon amie monteuse Catherine Galodé. Leurs enchainements constituent une fenêtre animée aléatoire qui se répète sans fin dans l’espace muséographique.

Cette expérience a été pour moi riche en enseignement. Elle pose la question de l’utilisation des nouveaux médias de production et de diffusions d’images animées de grandes qualités artistiques et techniques sur des dalles vidéo pour des promeneurs dans un espace public.
Les grandes dalles Black LED sont accolées d’écrans de 70 pouces diffusant des documentaires sonores, dont j’ai fait certaines images. Ils ont été réalisés par Bernard Dumas. La production de l’ensemble a été assurée par Jacques Hubinet des Films du Soleil à Marseille. Merci à mon assistante Salomé Gadafi.

Je vous invite à visiter le sublime bâtiment immergé du MuCEM, réalisé par le grand architecte Rudy Ricciotti. Sublime.

Le MuCEM est le premier musée national construit en province, il a été inauguré par le président Hollande le 7 juin 2013. Le millionième visiteur a passé les portes du MuCEM le dimanche 16 septembre 2013 à 11h50 précises !