Où Hassan Guerrar, pour le CNC, parle de l’élaboration avec Amine Berrada, AFC, de l’atmosphère visuelle de son film "Barbès, Little Algérie"
"Amine m’a tout appris"[...] Ce qui frappe dans le film, c’est votre manière singulière de montrer Barbès, comme si on redécouvrait ce quartier populaire du nord de Paris. Comment avez-vous construit cette atmosphère visuelle avec votre directeur de la photographie Amine Berrada ?
J’ai rencontré Amine en travaillant comme attaché de presse sur Les Meutes, de Kamal Lazraq, dont il avait signé la lumière. Mais en voyant son travail sur Banel & Adama, de Ramata-Toulaye Sy, c’est devenu une évidence. On lui a donc envoyé le scénario. Quand il est venu m’en parler une semaine plus tard, j’étais persuadé qu’il allait décliner ma proposition. J’ai alors passé une heure et demie à le convaincre.
Comment avez-vous fait ?
Je lui ai expliqué que j’allais raconter la misère mais que je voulais du beau, du Scope. Ça l’a accroché. Il m’a répondu que je n’aurais pas de Scope au vu de notre budget, mais qu’il existait du "faux Scope". En fait, avant même notre rendez-vous, il était partant pour l’aventure mais il voulait vérifier ce que j’avais dans le ventre. À partir de ce moment-là, il a été d’une générosité et d’une patience incroyables avec moi. Je peux le dire : Amine m’a tout appris.
De quelle manière ?
Il a su traduire en image ce que j’avais en tête mais en m’associant à chaque étape, en prenant le temps de me faire comprendre les choses. On a commencé à échanger sur des références de plans. J’imaginais un croisement entre l’énergie des Meutes et la beauté de Banel & Adama. Je voulais une lumière qui crame l’image comme si le récit se déroulait à Alger. Comme Michael Mann est mon Dieu de cinéma, je lui parle également d’un plan précis de Heat. Je lui cite aussi Shéhérazade, de Jean-Bernard Marlin, pour tout ce qui est des mouvements de caméra. Je lui dis que je déteste le champ-contre-champ et je lui cite comme références un plan d’Enquête sur un scandale d’État, de Thierry de Peretti, qui symbolise ce que j’ambitionne ainsi qu’un autre, très bressonien de Portrait de la jeune fille en feu, de Céline Sciamma, où la caméra suit Adèle Haenel qui pénètre dans une grotte. En fait, je voulais que, dans Barbès, Little Algérie, la caméra épouse tout à la fois l’énergie liée à la pandémie et le rythme de Malek, sans jamais le précéder. Qu’on soit toujours au plus près de lui car, pour moi, la peau parle autant que le regard. Au début, Amine ne comprenait pas vraiment ce que je disais et je ne comprenais pas mieux ce que lui disait. Mais au fond, on était sur la même longueur d’onde ! Devant mon inexpérience, Amine a écrit tout le découpage, ce que ne fait jamais un chef opérateur. Je peux dire qu’il m’a appris la mise en scène. À exprimer mes désirs pour les transmettre. Au-delà d’Amine, j’ai eu la chance de m’appuyer sur une équipe technique hors du commun, dont mon premier assistant, Olivier Bouffard, ma scripte Ludivine Doazan et le chef de l’équipe son Philippe Welsh. [...]
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