Où Ricardo Aronovich, AFC, ADF, parle du travail de restauration de "Providence", d’Alain Resnais

par Ricardo Aronovich La Lettre AFC n°234

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A l’occasion de la sélection à la 70e Mostra, dans la section " Venezia Classici ", de Providence, le film d’Alain Resnais qu’il a photographié, Ricardo Aronovich, AFC, ADF, évoque le travail de restauration auquel il a collaboré en vue de la projection à Venise, de l’édition d’un DVD et de la ressortie du film au cinéma en DCP.
Ellen Burstyn, John Gielgud et Dirk Bogarde dans "Providence", d'Alain Resnais
Ellen Burstyn, John Gielgud et Dirk Bogarde dans "Providence", d’Alain Resnais

Providence, film mythique du cinéma français et aussi du patrimoine culturel mondial, dont j’ai eu la chance d’assurer la direction de la photographie, a été un travail d’une rare complexité.

Alors que le film avait bénéficié d’un budget très important, la responsabilité du développement, du tirage des copies, etc., fut confiée à l’époque au moins bon des laboratoires de Paris, ce qui rendait la finition extrêmement aléatoire et ardue. Pour donner une idée de l’exploit : Alain Resnais et moi avions dû refuser (et donc mettre à la poubelle) pas moins de dix-huit copies…

Mon conseil de l’époque aux producteurs avait été de confier au moins la finition et le tirage des copies à Technicolor-Londres et leur excellent procédé des trois matrices en N&B. Cette méthode aurait assuré une perfection et une uniformité du tirage des copies 35 mm jusqu’à aujourd’hui.

Plus de trente ans après la première exploitation, le laboratoire VDM est chargé d’abord d’un transfert du négatif vers le numérique en HD et aussi du réétalonnage sous ma direction. Je n’oublierai pas la déception du jeune technicien, fier de son pré-étalonnage – alors qu’il n’avait jamais vu le film dans de bonnes conditions –, lorsque je lui ai montré une VHS qui nous a servi de modèle par la suite. Il admettait d’être face à deux films totalement différents mais portant le même titre ! Après deux semaines de travail intense, l’étalonnage était à nouveau à la hauteur du film. Bien sûr, j’ai profité des avantages du numérique et de ses logiciels qui ont permis des arrangements et modifications subtiles, discrètes mais impossibles sur pellicule à l’époque du tournage.

L’autre fait marquant est plus dramatique : au cours du télécinéma du négatif, je me suis aperçu que toute la fin du film, y compris le fameux plan panoramique de l’ellipse de la scène du repas dans le parc, était remplacé par un internégatif ! Le négatif avait disparu…, probablement abîmé ! Un tel chef d’œuvre mérite meilleur traitement.

J’étais donc content lorsque le nouveau propriétaire du film m’a appelé pour procéder au grand nettoyage et quelques petits changements tout à fait usuels en vue de l’édition DVD et ressortie du film au cinéma en DCP.

Rappelons pour mémoire que Providence a été projeté, à l’initiative de l’AFC il y a quelques mois, lors de la manifestation Caméflex Amiens en novembre 2012 et en entrée en matière d’une Master Class au cinéma le Grand Action en février 2013.

(En vignette de cet article, Ellen Burstyn et John Gielgud dans Providence)