Pars vite et reviens tard
Paru le La Lettre AFC n°161
J’avais lu plusieurs livres de Fred Vargas et je voulais tout faire pour aider Régis à retrouver l’atmosphère de cet auteur. L’adaptation a été faite dans ce sens. Quel trouble de voir devant la caméra des visages réels et de les confronter à son imagination ! En repensant au film, c’est ce qui me vient en premier, un film de visages. Je me suis rendu compte à quel point un auteur peut vous emmener très loin dans la description d’un visage. Plus que d’habitude, j’ai essayé de construire la lumière autour de ces visages et de leurs émotions.
Je n’avais pas de véritables règles, je me suis attaché aux regards qui scrutent les scènes. J’ai dû prendre certaines options peu flatteuses... C’est passionnant d’éclairer un personnage plutôt qu’un acteur ou une actrice. J’ai particulièrement été gâté par le casting ; le bonheur de retrouver Marie Gillain (L’Enfer de Danis Tanovic), découvrir José Garcia, Olivier Gourmet, Linh Dan Pham, un petit nouveau qui monte, Nicolas Cazalé, et avoir une petite complicité avec un grand Monsieur : Michel Serrault... Un cocktail qui vous remplit d’humilité et qui met la barre assez haut.





C’est la première fois que je travaillais avec le chef décorateur Olivier Radot. Nous avons eu les mêmes angoisses et les mêmes bonheurs.
Confrontées une fois de plus au fameux décor du commissariat de police, ses envies et celles de Régis m’ont bousculé un peu. J’ai été séduit par le lieu proposé, en restant conscient que c’était une " galère " ! Je dois dire que la production et la régie se sont battues pour que je puisse éclairer ce lieu gigantesque. Chaque fois que je regardais dans la caméra, je voyais de la peinture " réaliste américaine ". On a beaucoup parlé d’Edward Hopper et j’aimais beaucoup le bureau du commissaire pour cela. J’y ai tourné quelques séquences en lumière naturelle... Juste beau dans l’œilleton...

Quelques morceaux de bravoures :
Dans l’" open-space " du commissariat, j’ai dû utiliser le Soft Sun de 100 kW pour n’avoir qu’une seule source, c’est un peu lourd à manier (merci les électriciens) mais efficace.

Toute une scène de voiture en " green screen " qui nous a permis d’avoir un Michel Serrault de nuit en pleine forme ! Petit coup de chapeau à « Autre Chose » pour la finalisation de cette séquence.
Le Pont Alexandre III de nuit : mon cauchemar ! Vous aurez sans doute remarqué que le dessous de ce pont est l’opposé de son dessus : le royaume des ténèbres... Les " Monuments historiques " ne voulaient pas que l’on accroche quoique ce soit à la structure du Pont classé et surtout pas de projecteurs... De guerre lasse ils ont cédé deux jours avant le tournage ! J’ai appris depuis qu’ils auraient demandé qu’on laisse la lumière qui mettait en valeur le pont... J’aurais tout utilisé sur cette séquence de nuit : depuis La Grue Lumex-Transpalux jusqu’à la lampe électrique !








Les photographies illustrant cet article sont de Laurent Dailland
Technique
Caméra Arricam Studio et LiteObjectifs : Cooke S4 et zoom Optimo Angénieux
Pellicules : Kodak 5218 et 5205
Pellicule positive : Agfa
Étalonnage chimique etvnumérique (sur Lustre) : Isabelle Julien
Grue lumière : La Grue de Lumex Tranpalux