Un homme d’Etat

À quelques semaines de l’élection, le président de la République sortant, Jean-François Vanier (Patrick Braoudé) est au plus bas dans les sondages. Chef de file d’un puissant parti de gouvernement, il cherche une planche de salut et tente de rallier à lui Robert Bergman (Pierre Santini), homme de gauche et figure emblématique de la vie politique française, retiré dans un village du Gers.
Baptiste Magnien, François Begaudeau et Pierre Courrège sur le tournage d'"Un homme d'Etat" - Photo Delphine Micheli
Baptiste Magnien, François Begaudeau et Pierre Courrège sur le tournage d’"Un homme d’Etat"
Photo Delphine Micheli

Je connais Pierre Courrège depuis des années. De notre première collaboration sur les effets spéciaux sur son premier long métrage du temps de ma période ACMÉ Films, est née une complicité et une amitié réciproque. Nous avons continué à travailler ensemble sur divers courts métrages ou documentaires et c’est tout naturellement nous nous sommes retrouvés sur ce nouveau film.
Le projet Un homme d’Etat est né de sa rencontre avec François Bégaudeau et de sa volonté de traiter des tiraillements et influences en jeu dans un scrutin national autant que de prendre position sur le désarroi de la classe politique face à la montée du Front National.

Je suis arrivé très tard sur le projet et les impératifs de production sur ce film à très petit budget avaient fait que les repérages et certains choix techniques étaient déjà bloqués. Je me suis donc retrouvé à avoir à tourner avec une RED One Misterium X malgré ses défauts connus de sensibilité aux infra rouges. Le rendu des lumières et des paysages gersois promettait de belles difficultés à l’étalonnage quant au rendu des verts et des zones sombres de l’image.
De plus, la sensibilité native du capteur entrant en conflit avec la volonté de peu de profondeur de champ, on se retrouve rapidement à avoir à accumuler les filtres dans les tiroirs : densité neutre jusqu’à 1,2 et 0,9 combinés, IR Cut, Promist ou diffuseur Mitchell et dégradés pour les ciels. Le tout influençant, bien évidemment, la définition dès que la focale augmente. Un vrai casse tête où l’on regrette l’absence des bons vieux filtres de densité arrière caractéristiques des caméras vidéo.

Le choix du format 2,35 s’est imposé très vite à nos yeux afin de donner de l’ampleur au cadre dans les séquences gersoises, de pouvoir jouer sur des face-à-face entre les comédiens, ou de les perdre dans les décors dans les séquences de doute.
J’ai tenu à utiliser une ancienne série Zeiss Distagon A T2.1, pour casser le coté "figé" du format numérique, malgré leur couverture limite de la cible en 4,5K du format 2,35 et l’effet de vignettage en dessous du 32 mm. J’aime leur contraste qui, sans donner l’impression de trop de définition comme les séries récentes, apporte une certaine rondeur et souplesse à l’image, en particulier sur les visages.

Tournage au Maquis de Meilhan - Photo Léo Ponge
Tournage au Maquis de Meilhan
Photo Léo Ponge

La principale difficulté rencontrée sur ce projet a été que, compte tenu du budget très serré du film (inférieur à 1M d’euros), il a fallu découper le tournage en quatre périodes distinctes s’étalant d’avril à novembre, en fonction de la disponibilité des décors et des comédiens, qui sont à remercier pour leur implication sans faille. Le plan de travail a donc été conçu en fonction de ces paramètres afin de finaliser les séquences au plus vite et libérer les uns ou les autres dès que possible.
Pierre Courrège voulait que les séquences gersoises et parisiennes soient marquées par des choix tranchants au niveau de l’image et de la présence des personnages. Nous avons opté naturellement pour une opposition chaud/froid, doux/dur et feutre/métal, si j’ose dire. Les repérages ont donc été repensés dans ce sens en cherchant des textures mates et chargées en détails dans le Gers par opposition aux décors brillants et dénudés à Paris.

La lumière et le cadre allaient chercher aussi, dans les séquences en province, à "décoller" le personnage du fond par le choix des focales et un jeu de contraste entre les avant et arrière plans, alors que celles dans la capitale essaieraient d’écraser les volumes et de "punaiser" les personnages au mur. Ainsi, dans les séquences province, le découpage s’est centré sur des mouvements latéraux, afin de faire jouer les perspectives et profondeurs des espaces, combinés à l’utilisation de borniols horizontaux tendus aux plafonds pour limiter les pénétrations de lumières vers les fonds des décors, alors que les séquences dans la capitale jouent plus sur des mises en scène frontales et des mouvements dans l’axe.

La postproduction a été assurée chez Plan2-Studio Bastille à Paris sur Da Vinci Resolve en se basant sur un pré-étalonnage réalisé maison en vue d’une première sortie pour les sélection aux festivals et une première projection à Lectoure dans le Gers.

En attendant le soleil - Photo Léo Ponge
En attendant le soleil
Photo Léo Ponge

Je tiens particulièrement à remercier l’ensemble de l’équipe technique d’avoir su rester motivé sur ce film financièrement difficile et, surtout, présent malgré le caractère découpé du tournage. Se retrouver entouré d’amis fidèles a été d’un grand secours tout au long de cette aventure et c’est avec impatience que nous attendons de nous retrouver à nouveau sur le prochain projet. Un face-à-face entre deux femmes, sur fond d’univers carcéral, toujours coécrit avec François Begaudeau.

Dans le portfolio ci-dessous, quelques photogrammes du film Un homme d’Etat.

Équipe

Scénaristes : François Bégaudeau et Pierre Courrège
Production : Picseyes - Lavita Films
Assistants opérateur : Pitch Mercadal, Charlotte Mangaud, Klervia Buan
Électriciens : Alain Payet, Léo Ponge, Emmanuelle Journo
Machinistes : Romain Léo, Jean-Christophe Boehm, Valery Lhomme

Technique

Matériel caméra : Panavision-Alga (Red One Misterium X, format 4,5K-2,35, série Zeiss Distagon A T2.1)
Matériel lumière et machinerie : Papaye
Laboratoire : Plan2 - Studio Bastille
Etalonnage : François Nobécourt, Ghislain Rio