Behold the Lamb

Paru le La Lettre AFC n°205 Autres formats

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Behold the Lamb est le premier film du réalisateur irlandais John McIlduff. Nous avions collaboré au préalable sur plusieurs projets, notamment des vidéos d’art et de danse comme "The Mysterious Art of Dancing" (installation exposée à Prague, Berlin et Belfast) ou le court métrage À l’arrière, pour Arte.

Pour ce film, John a écrit et développé le scénario entre Paris et Belfast. Il comptait le tourner en France mais n’a pas pu lever les fonds. Au courant du scénario et des difficultés de financement auxquelles il faisait face, je lui ai soumis l’idée de replacer l’action en Irlande du nord au cours d’un de nos tournages là-bas. L’idée lui a semblé possible et il a remanié le scénario (au point d’avoir un film tout à fait nouveau à vrai dire) et lancer les démarches en Irlande du nord.
Le film a reçu le soutien du Northern Ireland Screen et de Channel 4 qui ont rendu le film faisable.

Behold the Lamb est un road movie / comédie noire dans lequel une jeune femme toxicomane va conduire son beau-père à travers l’Irlande du nord pour prendre possession d’une brebis et la rapporter en ville comme une sorte de rançon.
Le film est principalement centré sur l’évolution de ces deux personnages qui n’ont rien en commun mais s’attachent petit à petit l’un à l’autre par la force des choses.
Le film n’était pas à proprement parler technique, mais était un vrai défi pour obtenir la qualité que nous recherchions (visuelle et dramatique), avec le peu de budget (120 000 livres en tout et pour tout), et de temps de tournage (20 jours) à notre disposition pour beaucoup de décors à couvrir en plus des déplacements et des scènes de voiture.

Dès les premières discussions, nous évoquons de tourner en film ; pour des raisons visuelles bien sûr mais aussi parce que nous avions remarqué que le plateau était plus concerné et efficace quand nous tournions en film qu’en numérique.
De surcroît l’offre numérique à l’époque "toute neuve" était peu malléable (batteries, copies de disques durs, ordinateurs...) et encombrante (Sony 900, 1e RED One...). Après avoir évoqué le 35 mm anamorphique (quitte à ne partir qu’avec une focale) nous nous sommes très vite retournés vers le Super 16, plus abordable et compact.

Nous avons pris avec le réalisateur et la production le parti de maximiser la préparation et de répondre au maximum de questions et de problèmes en amont du tournage. Le travail de préparation s’est étalé sur quatre semaines dans une maison à Belfast où tous les chefs de département se retrouvaient chaque jour.
Cela nous a permis d’échanger très vite entre la décoration, les costumes, l’équipe mise en scène, le son et le montage. En interaction avec les problèmes de chacun. Le scénario s’est aussi peaufiné en fonction de ce que nous échangions, des repérages et des mises en place que nous évoquions avec John.
Dans chacun des décors en repérages, il m’a donné une phrase pour résumer l’idée maîtresse de la scène, son utilité à l’histoire. Nous en déduisions une idée de mise en place des acteurs et de la caméra. Nous avons ainsi pu privilégier certains décors et axes, et cela nous a donné énormément de liberté et permis de changer d’avis au tournage tout en ne mettant pas en péril notre plan de travail.

Nous avons testé en amont les accroches sur les voitures de jeu. Système de tubes Speed Rail avec un plateau pouvant se mettre sur le capot ou les portes et A-Frame (système qui accroche les roues avant de la voiture de jeu pour la tracter) pour rester à hauteur d’asphalte plutôt que de monter sur un plateau.
Diverses toiles colorées (bâche de chantier montée sur des cadres), polystyrène peint ou recouvert de papier craft, bac fluo, ampoules montées sur des battants, etc.
S’inspirer des matériaux du quotidien plutôt que de dépendre de nos outils dédiés habituels. Plus facile à intégrer, à cacher...
J’ai recruté l’équipe sur place. Constituée d’un 1er assistant caméra, un second, un machiniste et un chef électricien. Auxquels s’ajoutent au cas par cas un machiniste les jours d’installations voiture et un ou deux électriciens pour les nuits. Une stagiaire en poste d’observation nous a suivis sur toute la durée du tournage et a bien épaulé l’équipe caméra. (On parle ici de réel stage d’observation pas d’un assistant vidéo à moindres frais)
Le matériel caméra a été importé de Panavision Paris faute de loueur film à Belfast. Il se composait d’une caméra Arri SR3, une série Techno Leitz 35 mm et un zoom Cooke 10,4-52 mm. Ainsi que d’un Transvideo 5’ (pas de combo, pas d’enregistreur).

J’ai opté pour les pellicules Fuji dont le rendu des couleurs et le fort contraste étaient plus proches de ce que je recherchais pour ce film. 200T et 500T Eterna.
Nous avons travaillé avec le laboratoire Ilab à Londres qui a su être à l’écoute et très réactif. Le négatif a été scanné via un télécinéma HD, qui nous a servi ensuite de "master" numérique faute de moyens pour rescanner les plans montés en 2K.
Le TC conservait le maximum d’infos de la pellicule en vue d’un "tape to tape" final que nous avons fait à Dublin.

Lors du tournage nous avons privilégié la composition des plans et leurs évolutions par le déplacement des comédiens dans l’espace plutôt que par les mouvements de caméra.
Les moments de tension sont traduits par de la caméra épaule, mais même dans ces configurations nous gardons un point de vue relativement statique.
L’idée était de suivre ces deux personnages qui cavalent en faisant du sur-place.
Ils ont beau bouger ils ne vont nulle part. Nous répétions aussi les mêmes schémas de découpage dans plusieurs décors pour souligner cette idée. Le seul réel mouvement de caméra est le dernier plan du film qui traduit l’évolution et la résolution de Liz d’aller de l’avant.

Certaines compositions étaient précises dans nos têtes, comme par exemple le fait de découvrir Nigel au sol en crise d’épilepsie quand Liz recule la voiture.
Pour ce faire nous avons construit deux énormes rampes en bois placées derrière la voiture sur lesquelles elle remontait pour découvrir le corps au sol.

Nous avons tiré la voiture à la main pour maîtriser sa position et ne pas entraver le son. Nous avons tourné les extérieurs en lumière naturelle à renfort de diffusions et de réflecteurs. Les journées d’hiver sont courtes à Belfast mais la latitude nous a offert un soleil toujours bas, tout au long de la journée, qui a fait mon bonheur.
Nous avons joué la nuit américaine. Avec des dégradés neutres haut et bas en ne rattrapant pas le 85 au laboratoire pour garder des tons froids.
Les intérieurs sont éclairés de l’extérieur par un 6 kW Cinépar à travers les fenêtres la plupart du temps. Et les intérieurs voiture avec des minis fluos sur batterie de fabrication artisanale.

Pour la séquence dans la rivière, nous avons monté la caméra sur une base fixée sur une bouée naturellement appelée Titanic 2 (vu que le Titanic a été construit sur le chantier naval de Belfast, tout comme la Delorean, soit deux énormes ratages industriels mais je m’égare).

C’est un film simple, malgré son plan de travail chargé et son économie fragile.
Il s’est passé dans une collaboration et une entraide forte entre tous les départements.
Un vrai travail d’équipe comme on les aime et un excellent souvenir.

Bande-annonce officielle


https://vimeo.com/39770036

Extraits de Behold the Lamb


https://vimeo.com/146383923

https://vimeo.com/146383922

https://vimeo.com/146383924

https://vimeo.com/147700197

Portfolio

Équipe

1er assistant caméra : Ray Carlin
2e assistant caméra : Jamie Jackson
Stagiaire caméra : Ashling Graham
Key Grip : Glynn Harisson
Gaffer : Brian Livingstone

Technique

Matériel caméra : Panavision Alga (Arri SR3, série Techno Leitz 35 mm et zoom Cooke 10,4-52 mm)
Laboratoire : Ilab
Pellicule négative : Fujifilm Eterna 200T et 500T

synopsis

Pour tenter de sortir Joe, son fils drogué, du pétrin, Eddie accepte de procéder à une mystérieuse livraison avec l’aide de la copine de Joe. Ils se lancent ensemble dans une traversée de l’Ulster, et finissent par se retrouver en possession d’un agneau. Ils vivent des moments d’héroïsme inattendus, font des rencontres improbables (des vautours dans le fin fond de l’Ulster), et un lien finit par s’établir entre l’humanité maladroite d’Eddie et le passé torturé de Liz. Un processus de guérison se met en marche…