Retour sur Caméflex AFC 2016

Par Alain Coiffier, délégué général

La Lettre AFC n°263


La 4e édition de Caméflex AFC s’est conclue avec succès le 10 février dernier au Grand Action. Le directeur de la photographie iranien Mahmoud Kalari a reçu un Caméflex d’honneur des mains de Darius Khondji , AFC, ASC. Adam Mach, auteur de la photo du court métrage Strach (Fear), réalisé par Michal Blasko, a reçu le premier Grand Prix de l’AFC pour un court métrage d’étudiant en cinéma.

Le trophée lui a été remis par Ane Rodriguez Armandariz, directrice du centre culturel Tabakalera à San Sebastián, partenaire de l’évènement, en présence de Dan Jurkovic, attaché culturel de l’ambassade de Slovaquie à Paris. Pierre-William Glenn, membre de l’AFC et Président de la CST, a reçu un Caméflex d’honneur qui lui a été remis par Jean-Pierre Beauviala avant de présenter en compagnie de son réalisateur, Jacques Bral, la projection de Extérieur, nuit qu’il avait éclairé en 1980.
La soirée s’est terminée par un dîner offert par deux des partenaires de Caméflex, Panavision et K 5600 Lighting, dîner auquel assistaient 32 directeurs de la photo et membres de l’AFC et un nombre équivalent d’invités de l’association : représentants du CNC, responsables d’écoles de cinéma, prestataires, fabricants de matériels, amis et supporters du Caméflex depuis sa première édition.

La conclusion d’une semaine consacrée principalement au meilleur de la cinématographie iranienne à travers une ample rétrospective des films éclairés par Mahmoud Kalari.

Le vent nous emportera, d’Abbas Kiarostami. Un chef d’œuvre classique dont certains plans, choisis par Darius Khondji et projetés lors de la Master Class, ont été rapprochés de photos prises par le même Mahmoud Kalari trente ans plus tôt et qu’on a pu admirer dans un montage qu’il avait réalisé. Abbas, racontait Mahmoud, veillait au cours du tournage du film à ce qu’il "décadre" pourtant ses plans généraux de paysages pour éviter le risque de carte postale et rester ainsi scrupuleusement fidèle à la narration dramatique de son film.

Smell of Camphor Fragance of Jasmine, The Cloud and the Rising Sun, Death of the Fish, trois films qui, outre la poésie extrême de leurs images et de partis pris très assumés, reflètent une constante du cinéma de ce pays : cette empathie naturelle entre les Iraniens et le cinéma. Des films qui mélangent images de tournage et personnages réels, des acteurs qui peuvent être en même temps ou successivement techniciens, réalisateurs ou producteurs, un mélange constant qui suggère une complicité grande entre le spectateur et le créateur bien au-delà des problèmes d’expression ou d’échelle culturelle qui existent pourtant comme en filigrane. Une des grandes habiletés du talent de Mahmoud Kalari, c’est justement de donner à ses images une réalité très forte aussi bien au niveau du cadre que de la lumière de sorte que la marge entre fiction et réalité se confond le plus souvent.

Fish and Cat, un film godardien qui est aussi pour son chef opérateur un exploit : un plan séquence de 2 heures 15 au Steadicam® où l’on se perd entre des réminiscences de Week-end (J.-L. Godard) et des musiciens en roue libre au bord d’un lac qui nous suggèreraient plutôt des images d’un Emir Kusturica. L’Iran et la poésie de sa langue semblent tout à coup bien proches de notre culture et bien proches aussi de celle de l’Europe centrale.

Tales, photographié par le fils de Mahmoud Kalari, ou la vraie transmission des savoirs, un des objectifs importants de l’AFC. Comme au travers des images de son père, on est pris ici du même vertige entre fiction et réalité. La longue séquence dans un minibus entre le conducteur et celle qui l’aime… ou qu’il aime ! Un long dialogue nocturne et fantastique entre deux êtres isolés des autres passagers et seulement ponctué par les lueurs du trafic routier. Un DCP par ailleurs trop clair, venu de Téhéran, ce dont Mahmoud était conscient et qui enlève un peu de sa magie à la scène…

The Snow on the Pines, un incroyable "soap" iranien filmé avec des moyens extrêmement réduits et postproduit en noir et blanc sur décision de Mahmoud Kalari et du réalisateur, parce que le film s’y prêtait mieux. Et il en est ainsi ! A noter que ce film, interdit durant un an par la censure, a été un succès public en Iran et qu’il a été réalisé par celui qui jouait le rôle principal dans Une séparation, nouvel exemple de ce que je rapportais précédemment à propos de cette tendance des cinéastes iraniens à échanger leurs fonctions au fil des films au cours de leur carrière.

Bab’Aziz et Gabbeh, deux grands films poétiques et intéressants pour leur chromatisme intense.

Le Passé et Une séparation, deux magnifiques films de Asghar Farhadi, le second longuement analysé durant la master class, Mahmoud ayant choisi le travelling sur dolly aux mouvements très élaborés de la fin du film pour apporter son point de vue personnel sur la complexité naturelle qui prélude souvent aux relations entre le metteur en scène et son directeur de la photo.

Comme les autres années, Caméflex projetait, en première partie des films, les courts métrages des élèves des écoles de cinéma du monde sélectionnés durant le Festival de San Sebastián. Cinq courts-métrages venus de Slovaquie, du Mexique, du Royaume-Uni, d’Allemagne et du Chili auxquels avaient été joints deux films de l’école du Fresnoy. Tous témoignent de la richesse et de la diversité du langage de l’image.

Une belle semaine de cinéma de photo et de lumière, but principal de cette manifestation consacrée au talent des directeurs de la photo, unique en France depuis l’arrêt des Rencontres de Chalon patronnées par Kodak il y a bien longtemps déjà.

Un grand merci à tous nos partenaires, Le Grand Action, Arri, Eclair-Ymagis, Emit, K 5600 Lighting, Panavision Alga et Panalux pour leur soutien ainsi qu’au CNC, à la CST, au Festival de San Sebastián et à l’association Cinéma(S) d’Iran pour leur aide logistique et artistique.