Entretien avec la directrice de la photographie Nathalie Durand à propos du film "Pieds nus sur les limaces" de Fabienne Berthaud

En sélection à la Quinzaine des Réalisateurs

Après une carrière d’assistante opératrice auprès (entre autres) de Patrick Blossier, AFC, Nathalie Durand commence à travailler en tant que directrice de la photo sur Fais moi rêver de Jacky Katu. Depuis elle a signé l’image de nombreux documentaires ainsi que d’une dizaine de longs métrages comme La Faute à Fidel de Julie Gavras ou Le Pays du chien qui chante de Yann Dedet.
Pieds nus sur les limaces est sa première collaboration avec Fabienne Berthaud.
Ce film fait la clôture de la Quinzaine des Réalisateurs 2010.

Vous partagez les crédits d’image sur ce film… ?

Nathalie Durand : Fabienne Berthaud est à la base romancière. Pieds nus sur les limaces est son 2e long métrage, adapté de son propre livre. Elle avait réalisé Frankie, aussi avec Diane Kruger, un film qu’elle avait entièrement filmé toute seule en DV.
Sur ce nouveau projet, elle tenait à continuer à tenir une caméra, mais en association avec une directrice photo qui ferait à la fois la lumière et qui cadrerait une autre caméra. Tout l’enjeu a donc été pour moi d’arriver à trouver ma place dans ce dispositif assez particulier de filmage.

Ludivine Sagnier, Diane Kruger et Nathalie Durand, caméra à la main - Sur le tournage de <i>Pieds nus sur les limaces</i> de Fabienne Berthaud<br class='manualbr' />© Chantal Thomine-Le Bureau
Ludivine Sagnier, Diane Kruger et Nathalie Durand, caméra à la main
Sur le tournage de Pieds nus sur les limaces de Fabienne Berthaud
© Chantal Thomine-Le Bureau

Comment avez-vous procédé ?

ND : Il n’était pas question de travailler en plaçant une caméra toujours en plan large, tandis que l’autre ferait les plans serrés. Ni de filmer les champs contre champs de manière simultanée…
Fabienne choisissait sa place en fonction du jeu, avec la liberté de zoomer si elle en avait envie, tandis que moi, je m’adaptais en proposant des idées de plans à chaque prise, en toute liberté. Trouver de cette manière des choses, prendre des risques à la mise en image était vraiment très gratifiant pour moi. En plus le fait que tout se mette en place en même temps pour tout le monde nous donnait l’impression assez rare d’être tous ensemble sur une même vague.

Aviez vous des références d’image ?

ND : Peut être pensait-on parfois aux films de Larry Clark. Même si il n’ y a pas de découpage préparé a l’avance, Fabienne a un goût très précis en matière d’idées visuelles. Pour cela , elle avait toujours un grand livre avec elle où elle avait rassemblé par scène des images de références en provenance de publicités, de peintures ou de film. Un travail concocté avec l’aide de la décoratrice, Valérie Delis. On déterminait comme ça la couleur, les cadres et les tons à chaque scène.

Quel matériel avez-vous choisi ?

ND : Fabienne avait filmé Frankie avec une petite caméra DV Sony et avait l’habitude d’avoir recours au zoom et aux fonctions de mise au point automatique des caméras semi-pros. J’ai donc choisi sur ce film d’utiliser les Sony EX3, qui me semblent les meilleures dans cette gamme des petites caméras HD pro d’entrée de gamme. Celle destinée à Fabienne était équipée du zoom d’origine motorisé, tandis que la mienne bénéficiait d’un adaptateur pour les optiques Canon fixes 2/3’’.
Ça m’a permis de trouver un angle d’attaque assez différent d’elle et de proposer des images avec moins de profondeur de champ par exemple. Niveau équipe, il y avait un pointeur avec nous qui se partageait sur les 2 caméras selon les cas. La plupart du temps Fabienne utilisait elle-même les fonctions de mise au point auto du zoom d’origine. Ce qui d’ailleurs nous a parfois gêné, car la vitesse et le temps de latence du système est incomparable avec celle d’un vrai pointeur.

Au niveau de la sensibilité, que pensez-vous de ces EX3 ?

ND : Le capteur de 1/2’’ de ces caméras permet une sensibilité assez étonnante, surtout comparé à leurs rivales les Panasonic HVX 200 (qui ont un capteur 1/3’’). Il y a par exemple une séquence d’extérieur nuit qui se passe sur le bord d’une route nationale, éclairée uniquement avec les phares de voitures et des plaques de LEDs. La séquence des camionneurs dans le jardin est aussi tournée uniquement avec une guirlande, un lampadaire, une flood hors champ et quelques réflecteurs…

Comment s’est déroulée la postproduction ?

ND : J’ai eu la chance de travailler avec Isabelle Julien à l’étalonnage chez Eclair sur Colorus . Elle a très vite saisi l’esprit du film et a apporté beaucoup au film. Il est certain qu’on est limité avec cette caméra qui compresse pas mal l’image. Mais comme on avait déjà donné la direction de l’image sur le tournage, avec le travail de la déco, des costumes et la lumière, je n’ai pas eu à faire plus que les retouches d’usages et le talent d’Isabelle Julien a fait le reste....

 Quel bilan tirez-vous de ce film ?

ND : C’est un film qui s’est fait avec très peu d’argent, moins d’un million d’euros. Mais pour autant en étant payés normalement. Le secret est que nous étions une toute petite équipe, ce qui nous a quand même permis de tourner 40 jours. Une expérience extraordinaire avec une personne qui croit dans son travail et qu’il est motivant de suivre sur une telle aventure avec ces deux comédiennes.

(Propos recueillis par François Reumont pour l’AFC)

Synopsis
Clara est mariée à Pierre, jeune avocat plein d’avenir. Elle vit et travaille avec lui à Paris. C’est un couple normal et sans problème. A la mort brutale de sa mère, Clara se retrouve responsable de sa sœur cadette, Lily.
Car Lily n’est pas comme les autres.
Sa trop grande sensibilité la rend vulnérable vis-à-vis du monde extérieur et l’empêche d’être autonome. Elle a besoin de protection. Elle s’est construit un univers bien à elle, dans lequel elle a trouvé un " certain " équilibre dont il lui est difficile de sortir. Elle vit à la campagne, dans la maison de famille, en Province.
Clara, dont la vie s’est organisée loin de sa sœur, va devoir faire des choix.
Et apprendre que la normalité est une idée très subjective.