Jean-Pierre Beauviala parti, l’hommage de chefs opérateurs de l’AFC

Richard Andry, Céline Bozon, Nathalie Durand, Jean-Michel Humeau et Baptiste Magnien témoignent
A la suite du départ de Jean-Pierre Beauviala, des directeurs de la photographie de l’AFC ont tenu à lui rendre un hommage particulier. Nous publions ici cinq de leurs témoignages.

Un régal de tourner à la main avec une Aaton
A l’IBC Amsterdam, Kees van Oostrum m’avait fait part de son intention d’attribuer un ASC Award of Distinction à notre Jean-Pierre Beauviala national. Et notant l’expression de mon enthousiasme ajoutait qu’il ne fallait pas en parler tant que le Board de l’ASC n’avait pas donné son plein accord formel. Je ne doutais pas de la suite et me suis mis à surveiller plus assidument ma boite mail. En qualité de "go-between" j’avais hâte de pouvoir courir lâcher la nouvelle. Depuis tant d’années notre génial créateur de caméras méritait d’être dignement honoré par la profession, ce furent les Américains qui le firent les premiers et même si je pense que JPB n’était pas un homme qui courait après les honneurs, il aurait fallu que les Français se réveillent bien avant. Nous avons pu en cette occasion partager avec lui ce moment très émouvant et entendre parler comme toujours, d’histoires de chats sur l’épaule. Sur une étagère chez moi, il y la photo de deux lions en premier plan (des gros chats…) et derrière des bonhommes autour d’une caméra. C’était en février 1979, j’étais au Cameroun avec Frédéric Rossif et Daniel Barrau. Nous tournions avec deux Aaton 16 un "Opéra Sauvage". C’est le modèle de caméra, sous toutes ses évolutions avec lequel j’ai impressionné le plus grand nombre de kilomètres de pellicule et parcouru le plus grand nombre de milliers de kilomètres sur la planète. Comme sa grande sœur, la 35, c’était un régal "à la pogne", ma culture de base. Et à toutes les sauces ! En attendant la « libellule ».
Merci et Bravo Jean-Pierre !
Richard Andry, AFC

Pascal Baillargeau, décamètre en main, et Richard Andry, Aaton à l'épaule, sur le tournage d'"Un petit parisien", de Sébastien Grall, en 2002
Pascal Baillargeau, décamètre en main, et Richard Andry, Aaton à l’épaule, sur le tournage d’"Un petit parisien", de Sébastien Grall, en 2002

Jean-Pierre, l’élégance
Pour moi Jean-Pierre, c’est deux rencontres à la Cinémathèque :
La première, en 2011 je crois, où il décrit le système de capteur en mouvement de la future Penelope argentique et numérique et où il parle de la perception et de notre côté animal, que nous sommes comme des bêtes sauvages sensibles à tout ce qui bouge ; instinct de survie du chasseur inscrit en nous.
La deuxième, c’est au côté de Caroline, en février 2014, à la rétrospective autour de son travail ; je le revois au bar, les yeux tout brillants de curiosité et de passion me parler de la caméra de l’iPhone.
Quelle élégance !
Céline Bozon AFC

Le cinéma organique
Le moteur quartz qui a fait battre le cœur des Cameflex, l’Aaton S16 qui nous a délivrés du fil à la patte, l’A-Minima qui a été notre crayon au creux de la main, l’Aaton 35, enfin, qui ronronne sur l’épaule…
Sans toi, Jean-Pierre, le cinéma serait moins organique. Merci !
Nathalie Durand, AFC

Mille images et mille vies
J’ai beaucoup tourné avec l’Eclair 16 mm : les films de Pierre Barouh, des reportages comme en a faits Gérard de Battista. Elle était lourde et j’ai pourtant fait avec elle 800 km à pied en Oman pour L’heure de la libération à sonné, dormant avec elle près du Nagra de mon ami Jean-Louis Ughetto. Son moteur fut allégé par Jean-Pierre Beauviala, qui travaillait alors pour Eclair, et puis tout a changé quand il fondé sa société. Avec l’Aaton, c’était vraiment la caméra que nous attendions, que nous rêvions d’avoir et avec laquelle, logée au creux de l’épaule, nous pouvions vivre mille images, mille vies : l’instrument parfait sans cesse amélioré. Merci Jean Pierre !
Jean-Michel Humeau, AFC

Grenoble : 1 - Genève : 0
31 janvier 1989 - Port of Spain, Trinidad
Pour le documentaire Calyspo Season, réalisé par Alain Majani avec Manu Téran, Romain Winding, Pascal Lagriffoul, Thierry Pouget et moi-même à l’image - Michel Bretez et Pierre Befve au son - début de tournage est donné pour une séquence de répétition du Steel Band "The Desperados" sur les hauteurs de la ville en début de soirée.
Cinq Aaton XTR et trois Nagra T sont mobilisés, synchro avec l’origine C. Le tour des équipements est fait pour "donner" le même Time Code à tout le monde. En cours de nuit, un contrôle est fait pour vérifier que la synchro n’a pas glissé. Tout roule, on continue à tourner.
Fin de tournage vers 3 heures du matin. Nouveau contrôle des synchros et... ERREUR !
Questionnements, investigations, nouveaux contrôles dans tous les sens entre les Aaton et les Nagra : résultat, les caméras sont synchro entre elles, les Nagra entre eux mais pas de croisements. Décision est prise de finir de ranger et de signaler et recaler au besoin les images et les sons au montage, la lecture des TC ne montrant pas de glissement représentatifs ou énormes.
Et d’un coup, le rire de Michel Bretez nous fait lever la tête de nos caisses où s’empilait à la va-vite le matériel.
Les Aaton étaient à l’heure et l’UserBit au 1er février
Les Nagra étaient aussi à l’heure mais avec un UserBit au 32 janvier...
Grenoble : 1 - Genève : 0
Le bon sens du "franchouillard" contre la "rigidité" helvétique...
Encore une fois : bravo Jean-Pierre !
Baptiste Magnien, AFC

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