Les Seigneurs

Les Seigneurs est une comédie d’Olivier Dahan avec qui je collabore depuis nos débuts. C’est l’histoire d’un ex joueur de football alcoolique surgrillé, à qui on propose d’entrainer un petite équipe de football à Molène (petite île en Bretagne) en échange de la garde de sa fille qu’il est en train de perdre.

Orbera (le héros) va donc piocher dans son carnet d’adresses pour monter une équipe constituée d’anciennes gloires, et tenter de sauver ainsi l’usine de sardines de Molène qui est sur le point de fermer pour liquidation judiciaire. Voilà pour l’histoire.
Les repérages de ce film ont tristement commencé car, le jour de notre départ pour l’île de Molène, nous avons appris le décès de notre chef décorateur Olivier Raoux. Il devait nous accueillir et nous présenter ses décors comme à son habitude, en nous jouant les scènes. Paix à son âme, un des plus brillants de sa génération à mon sens. Nous avons décidé de suivre son idée jusqu’au bout et son équipe a pris la suite du tournage avec à leur tête Laure Lepelley, son assistante.
Jean-Pierre Marielle !!! Qui n’a pas rêvé de tourner avec ce monstre de la réplique, ce prince de la tirade ? J’ai eu beaucoup de plaisir à travailler avec ce grand monsieur du cinéma qui, malgré son âge avancé, a su garder tout son humour et son esprit malicieux. Par moment, il semble éteint et puis, tout d’un coup, comme ça, il vous sort une perle digne des Galettes de Pont-Aven, un délice.

Jean-Pierre Marielle et José Garcia dans "Les Seigneurs" - Photo prise avec un D3 par Alex Lamarque avant le tournage du plan
Jean-Pierre Marielle et José Garcia dans "Les Seigneurs"
Photo prise avec un D3 par Alex Lamarque avant le tournage du plan


Sinon imaginez, vous mettez José Garcia, Gad Elmaleh, Ramzy, Joe Starr, Franck Dubosc, le Prince de Bouderbala dans une boîte et vous secouez bien fort… C’est explosif, ça n’arrête jamais !!! Un flot continu de vannes, ce qui n’est pas toujours évident sur un plateau où le silence est de mise. Un plan de travail serré et quelques plannings d’acteurs compliqués et voilà, le tableau est posé.
Quand on imagine les grandes lignes de l’image d’un film, on pose des ambiances diverses qui vont dans le sens du scenario. Sachant qu’on tournait en Bretagne et que j’avais des séquences de foot sur plusieurs jours, je comptais sur la région et son célèbre climat. Le temps gris et nuageux va me rendre un fier service, me suis-je dit. Bien mal m’en a pris, nous avons eu deux jours de nuages en tout et pour tout sur huit semaines de tournage, Paris compris !!!

Ceci m’a amené vers un tout autre point de vue, beaucoup plus joyeux finalement. J’ai donc posé tous les extérieurs avec 1,5 diaph de surexposition pour ce qui est des matches de foot afin d’atteindre un look plus " Polaroïd " au télécinéma. Nous avons tourné sur un terrain près de Pontoise, en région parisienne, pendant 15 jours et rebelote, du soleil tout le temps. Je crois que nous avons bénéficié de la meilleure météo de ces dix dernières années ! Vous verrez, sans doute, des fautes de raccords mais nous sommes les seuls à les voir.

Nous avons tourné ce film en Super 35 mm 3perf, 2.0, optiques Panavision Primo, mais montés sur des Arricam ST et LT pour des raisons pratiques, bien que je sois un fan des optiques Pana, je trouve tout le système d’accessoires un peu dépassé. Je ne remercierais d’ailleurs jamais assez l’équipe de Panavision Alga pour son soutien, ses efforts et son écoute pour nous aider à vivre dans un monde meilleur.

Pour ce qui est du choix de la pellicule, nous avons tourné en Fuji, un choix délibérément économique car la période " open bar " de notre métier est malheureusement résolue et il faut dire qu’avec un étalonnage numérique en fin de chaîne, la différence est minime avec Kodak qui serait mon premier choix.
Pourquoi le choix de format 2:1, me direz-vous ? (Je n’ai rien inventé, Vittorio Storaro, AIC, ASC a développé ce format, il y a quelques années déjà). Pour des raisons très simples. Pour une comédie, tout le monde s’accorde sur le fait que le 1,85:1 est le format maximal, voire le 1,66:1 pour la diffusion TV. Si on tient compte des progrès technologiques et qu’on projette notre film 1.85 sur un écran 16/9, le format fait l’effet d’un 1,66 sur une télé 4/3, un format entre deux. Les écrans ont évolué, les ordinateurs, les télévisons se sont " Scopisés ", si je peux me permettre l’expression. Si le 1,78 est maintenant la norme TV, je dirais que le 2:1 serait son descendant " plus cinématographique " et plus facile à travailler en décors naturels que du 2,40:1.
Coté technique, les projections en salles notamment, le format est généré par le labo (ajout de bandes noires en haut et en bas sur une copie film 1,85), la perte est négligeable et cela a l’avantage d’avoir des bords d’image très nets et précis.

Sinon, nous avons tourné en décors naturels les intérieurs du bar, de l’hôtel et, bien sûr, tous les matches de foot. Nous avons essayé de sortir des codes de la comédie classique, à savoir une ambiance très lumineuse et étale. La difficulté était pour moi de fournir un espace assez libre aux comédiens en maintenant un clair obscur si cher à Olivier, tout ça à 360 degrés avec peu de réglages et deux caméras tournant tout le temps avec des axes différents, et vite bien sûr… du gâteau quoi.

La deuxième et, souvent, première caméra était tenue par mon camarade Valentin Monge qui avait son Stead toujours prêt à bondir ; la machinerie tenue par Titoune et sa bonne humeur ; et la lumière par le fantastique Patrick Contesse avec qui je collabore maintenant depuis très longtemps. Je ne tarirai jamais assez de louanges auprès de ce garçon qui s’investit autant dans son métier. Didier Diaz et, finalement, merci à " presque " (comprenne qui pourra) toute l’équipe caméra qui a fourni un excellent travail.

L’étalonnage a été fait par Fabien Pascal chez Duboi, devenu Technicolor, comme vous savez. Les événements de cet hiver ayant décalé les plannings de postproduction, je n’ai pas pu être présent aux séances ; nous avons donc travaillé par références que j’envoyais à Fabien d’après les photos que je prends systématiquement avant chaque plan avec un D3, et étalonnées avec Photoshop ou Lightroom. J’utilise cette technique depuis de nombreuses années déjà et ça marche très bien, c’est beaucoup plus précis qu’un long discours et en cas de non disponibilité tout est dit.

Équipe

Cadreur et Steadicam : Valentin Monge
Chef électricien : Patrick Contesse
Chef machiniste : Titoune

Technique

Pellicule : Fuji Eterna 500 et 250D
Matériel caméra : Panavision Alga (Arricam ST & LT 3 perf ; format 2:1, optiques Primo)
Matériel électrique : Transpalux
Etalonnage numérique : Fabien Pascal chez Duboi (devenu Technicolor)