Je ne vous oublierai jamais

Je ne vous oublierai jamais m’a été proposé en 2007 par une jeune production marseillaise, Tita Productions, qui se lançait, pour leur premier long métrage, dans un projet très audacieux, un film d’époque se déroulant à Marseille pendant l’occupation, muni d’un budget loin d’être à la hauteur de l’ambition du sujet. Le tout avec un metteur en scène expérimenté et exigeant : Pascal Kané, auteur, entre autres, de Dora et la lanterne magique, Liberty Belle ou L’Educatrice.

D’où la difficulté de trouver un opérateur qui se sente de traiter cette période, la complexité d’un tournage comprenant beaucoup de décors aussi éloignés les uns des autres que Marseille, la Franche-Comté et la Belgique ; tout en travaillant vite et avec peu de moyens.
Le premier assistant du film Sébastien Achard a évoqué mon nom et après quelques rencontres avec Pascal Kané, me voilà embarqué dans ce barnum un peu fou.

Louis Polonsky (remarquablement interprété par Rudi Rosenberg), jeune juif polonais venu faire des études en France, a promis à sa mère et ses deux sœurs de les sortir du ghetto de Lodz en Pologne, de les rapatrier à Marseille, d’où un bateau emmènerait toute la famille en Amérique du Sud afin d’échapper à l’horreur de la déportation.
D’autre part, il tombe passionnément amoureux de Rosa, jeune chanteuse de revue (Fanny Valette) courtisée par La Frémerie (Pierre Arditi), politicien arriviste et collabo. Cette relation remet en question son désir de départ, mais d’autres difficultés vont surgir de sa personnalité complexe et torturée.
Le scénario emprunte des chemins assez surprenant et dans la reconstitution réaliste du Marseille de l’époque surgissent des moments " d’inquiétante étrangeté ", proches d’un fantastique psychanalytique peu courant dans ce genre de film.

Fanny Valette et Pierre Arditi
Fanny Valette et Pierre Arditi
Fanny Valette et Rudi Rozenberg
Fanny Valette et Rudi Rozenberg

Les enjeux photographiques se situaient vraiment dans cette double lecture qu’il fallait respecter, sans la souligner trop ouvertement. Ce fut pour moi un travail particulièrement passionnant bien que très difficile à réaliser dans les conditions du tournage.
Une des plus grandes difficultés de ce film d’époque était d’obtenir une reconstitution crédible de Marseille en 1941, alors que cette ville s’est totalement transformée ces dernières années. Les petites rues du Panier ont beaucoup changé, nous avons préféré tourner à La Ciotat, nettement moins modernisée.
Quant au port, au théâtre de L’Alcazar ou aux intérieurs de la gare Saint-Charles, ils ont été reconstitués en Belgique ou en Franche-Comté, au gré des accords de coproduction ou des subventions.

Il faut saluer l’incroyable travail des chefs décorateurs : Bruno Beaugé (pour la France) et Philippe Graff (pour la Belgique) qui ont réussi à rendre tout cela cohérent et beau.
Pour la partie française, j’ai pu emmener de Paris un de mes assistants favoris : Hugues Gémignani. Le reste de l’équipe était marseillaise et j’ai découvert le plaisir de travailler avec deux remarquables techniciens du cru : le chef électro Patrick Allard et le chef machino Guillaume Schmidt.
En Belgique, changement complet d’équipe avec les " frères Duquenne " à la caméra, " Max " Fauvelle à la lumière et Temoudjine Janssens à la machinerie. Tout le matériel caméra (Sony 900R et optiques Fujinon) venait d’HoverlorD en Belgique, la lumière et la machinerie de chez KGS et Panavision Marseille.

L’étalonnage numérique a été effectué chez HoverlorD par Thomas Bouffioulx, après la réalisation d’effets spéciaux, liés principalement à la reconstitution d’époque, chez Digital Graphics.
L’étalonnage argentique fut finalisé chez Color by Dejonghe, toujours en Belgique.

Le film a connu, comme beaucoup d’autres films d’auteur, des difficultés à trouver un distributeur. C’est finalement Zelig qui a décidé de s’en occuper et Je ne vous oublierai jamais sort enfin trois ans après son tournage.
Il reste à espérer que ce sera un peu plus qu’une " sortie technique " selon l’expression consacrée.

Équipe

Chefs décorateurs : Bruno Beaugé (pour la France) et Philippe Graff (pour la Belgique)
Chef électricien : Patrick Allard
Chef machiniste : Guillaume Schmidt.