Pour Edmond Richard

Par Pierre-William Glenn, AFC

par Pierre-William Glenn La Lettre AFC n°290

Je l’avais rencontré, en visite sur le tournage de Fantasia chez les ploucs, de Gérard Pirès, en 1971. Le personnage était particulièrement original : un coffre plein de médecines bizarres, une réputation de médecin accoucheur, une dégaine de Lord anglais et une rigidité technique inébranlable (il avait décidé de tourner tout le film à 8 de diaphragme et il s’y tenait. Avec une pellicule de 100 ASA les acteurs avaient très chaud dans les intérieurs…).

Edmond était plus technicien qu’artiste, il tenait à son statut d’ingénieur et de chimiste et… emmerdait beaucoup Claude Léon (qui s’en plaignait avec humour auprès de moi) avec sa prétention de régler les bains de développement du labo LTC. Sa solution de tournage sur 2 perfos (le Super Split) était aussi ingénieuse que non-rationnelle pour les contre-types nécessaires pour le retour sur 4 perfos (expérience finalement onéreuse pour mon tournage fauché du Cheval de fer).
Edmond Richard a été une figure éminente de la commission Prise de vues de la CST à partir de 1964 jusqu’à la fin des années 1990, et je me rappelle, quand l’AFC s’est rapprochée de la CST, d’une originale et jolie prise de bec avec les exploitants à propos de l’influence de la luminosité des lumières de secours dans les salles de cinéma lors d’une réunion au CNC sur la qualité des projections.

De fait, je n’ai réellement connu Edmond que lorsque nous avons jeté les bases de l’AFC, en 1989. A la recherche d’un Président d’honneur pour l’association nous cherchions une personnalité forte, atypique et sympathique et je l’ai sollicité. Il allait tourner Mayrig, d’Henri Verneuil, avant le Don Quichotte, d’Orson Welles, et il a décliné l’offre. Pour notre bonheur puisque j’ai pu obtenir l’accord d’Henri Alekan et de Raoul Coutard pour parrainer l’AFC.
Je me rappelle encore d’une réunion sur le "Zone Système", de Ricardo Aronovich, chez Jean-Michel Humeau où, avec un certain dédain, il avait traité Ricardo d’"artiste", comme si ce mot était inapproprié à un technicien.
J’ai rencontré Edmond une dernière fois, il y a une quinzaine d’années, dans la rue à Maubert-Mutualité où, à un âge avancé, avec une Betacam sur l’épaule et sans assistant, il filmait une sortie de banque pour Jean-Pierre Mocky. Il m’a souri tristement, comme pour s’excuser, toujours aussi élégant et aristo. Son clin d’œil voulait sûrement me faire penser qu’avec Welles, Verneuil, Clément, Bunuel et Hossein, il avait eu de meilleurs moments. Je lui ai rendu son clin d’œil.
Salut Edmond !